Portrait

Alister Spence, l’astéroïde des antipodes

Le pianiste australien s’adjoint les services d’Ed Kuepper, ex-guitariste des Saints, le légendaire groupe punk australien, pour des explorations débridées.


En 2007, Alister Spence est recruté par Ed Kuepper pour une série de concerts, ce qui l’amène à rejoindre par la suite les Laughing Clowns, le groupe inclassable du guitariste. Aujourd’hui le pianiste invite son « patron » au sein de son trio de longue date, composé du contrebassiste Lloyd Swanton et du batteur Toby Hall.

Pour la petite histoire, le titre du double album, Asteroid Ekosystem, est inspiré des initiales du Alister Spence Trio et d’Ed Kuepper. Les titres des morceaux sont tirés de poèmes d’Emily Dickinson. « J’aime beaucoup la poésie, notamment les œuvres d’Anne Sexton, explique le pianiste. Un ami m’avait offert un livre d’Emily Dickinson que j’ai commencé à lire récemment. J’ai trouvé que ces poèmes avaient une qualité abstraite, sombre et irréelle qui correspondait bien à ce projet. »

Alister Spence Trio @ Brett Boardman

Le pianiste admet qu’il ne savait pas trop ce qu’il adviendrait des séances d’enregistrement. « Pour chaque improvisation, j’avais quelques instructions écrites, une ligne de basse ou une série d’accords, affirme Spence. L’idée était avant tout de suggérer des possibilités à Ed. Ensuite, nous trois, formant un bloc, allions sculpter en tournant autour de lui sans rejeter la possibilité de changer de rôle. »

Tout en obtenant une grande unité sonore, le quatuor explore des terrains divers. « Face of the Atom » est enraciné dans le blues, « Planetary Forces » ou « And Set the Sun », emmenés au grand galop, puisent leur énergie dans le rock tandis qu’« Eclipse » et « The Night Became », avec leurs motifs répétitifs qui montent en puissance, évoquent l’univers d’un autre trio australien, The Necks - Swanton est d’ailleurs membre des deux groupes. Le pianiste attribue cette affinité aux grands espaces de son pays. « Je pense que l’environnement joue un rôle, que ce soit la géographie ou l’isolement, avance Spence. Cela dit, cela se produit inconsciemment et cela peut également expliquer mon goût pour le minimalisme. »

Ed Kuepper @ Carbie Warbie

Le trio de Spence a désormais plus de 20 ans d’existence. Spence attribue sa longévité « à la capacité qu’ont ses membres de continuer à se surprendre les uns les autres ». La grande part de risque pour Asteroid Ekosystem était par conséquent d’introduire un corps étranger dans un groupe aussi soudé. « [Ce genre de situation] est toujours relativement intimidante, avoue Ed Kuepper. Mais très vite les choses se sont mises en place musicalement. Nous avons joué un concert environ un an avant l’enregistrement et tout semblait indiquer que cela pouvait bien marcher ». Un sentiment dont les autres musiciens se font l’écho, ayant trouvé le guitariste remarquablement décontracté durant les séances.

Le pianiste ce compte pas se reposer sur ses lauriers, et entrevoit déjà des projets dans un proche avenir. Il espère relancer son trio « suédois » avec le contrebassiste Joseph Williamson et le batteur Chris Cantillo et travaille à un duo de pianos avec Satoko Fujii. Tous deux s’attachent déjà à l’écriture de compositions et se retrouvent de temps en temps pour échanger sur leurs progrès sur… Zoom.