Chronique

Andrew Cyrille Quartet

The Declaration Of Musical Independance

Andrew Cyrille (dm), Ben Street (b), Bill Frisell (g), Richard Teitelbaum (p, synthétiseur)

Label / Distribution : ECM

Andrew Cyrille n’est pas le plus connu des batteurs, et c’est bien triste. Lui qui a joué avec tous les plus grands, de Cecil Taylor à Anthony Braxton, en passant par Horace Tapscott – notamment sur le fabuleux The Dark Tree (hatOLOGY, 1991) –, Charlie Haden ou Oliver Lake et Reggie Workman au sein du Trio 3, est l’un des maîtres de la batterie jazz depuis les années 1960. A la fois dans la lignée des grands batteurs qui l’ont précédé tout en écrivant quelques-unes des plus belles lignes de la batterie contemporaine, Andrew Cyrille est un roi du rythme et sait utiliser son instrument comme personne pour mettre en couleurs la musique. Pour cet album, il a réuni un quartet magnifique : Bill Frisell à la guitare, Ben Street à la contrebasse et Richard Teitelbaum au piano et synthétiseur. Une fine équipe et une instrumentation qui siéent à merveille à The Declaration Of Musical Independence.

Le groupe crée une fresque musicale puissante et prenante. Le « Coltrane Time » d’ouverture installe la couleur de l’album, sorte de friche urbaine musicale, traversée de fulgurances qui viennent déchirer des moments suspendus, où la musique semble flotter telle la brume au cœur d’une ville endormie. Le silence joue un rôle fondamental dans cette œuvre poétique, pleine de finesse et d’intelligence, tout comme le temps laissé à la musique pour se déployer, résonner, pénétrer l’auditeur. Il y a les superbes « Kaddish » et « Song For Andrew n°1 » signés Bill Frisell, teintés de cette beauté sombre qui vous arracherait le cœur. Sur « Kaddish », la batterie et la contrebasse viennent enlacer la guitare claire tandis que Teitelbaum fait jaillir une sorte de complainte de ses synthétiseurs. Les improvisations collectives « Sanctuary », « Dazzling » et « Manfred » sont intrigantes, planantes, surprenantes. Quant au « Herky Jerky » de Richard Teitelbaum, il offre un terrain de jeu tirant plus vers le jazz, terrain sur lequel le quartet prend plaisir à jouer.

La première écoute de cette « déclaration » peut laisser perplexe mais, rapidement, le titre de l’album prend tout son sens et l’auditeur se laisse emporter par la dramaturgie de l’œuvre et laisse ses oreilles découvrir avec bonheur chaque recoin de cette fresque qui résonne encore, longtemps après l’écoute.