Chronique

Andy Emler

Pause

A. Emler (orgue), C. Tchamitchian (b), E. Echampard (dm), L. Blondiau (tp), L. Dehors (clars), G. Orti (ts en ut).

Label / Distribution : Naive

Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, le jazz n’est ni totalement étranger à l’univers de l’orgue d’église, ni vraiment familier de la pratique de cet instrument, dont on rappelle cependant très souvent qu’il reste un des seuls à savoir accueillir de nos jours l’improvisation radicale.
Outre Fats Waller, et à sa suite Count Basie, qui ont parfois « touché » les grandes orgues, on signalera aux amateurs de belles et fortes sensations l’admirable disque de Georges Gruntz, paru chez MPS en 1968 sous le titre St. Peter Power et enregistré avec Eberhard Weber (b) et Daniel Humair (dm). Les versions de « I Remember Clifford », « Summertime », « God Bless The Child », « Lonely Woman », « My Funny Valentine », « You Don’t Know What Love Is », « Nobody Knows The Trouble I’ve Seen », « Django », « Yesterdays » et « Jesus Maria » qu’il contient méritent le détour et la recherche.

C’est en compagnie d’un certain nombre de ses familiers qu’Andy Emler s’est lancé à son tour dans l’aventure, actualisant avec bonheur la formule et s’exprimant volontiers en duo (orgue/trompette, orgue/saxophone ou orgue/clarinette), sans aucun rapport avec ce qu’on nous servait dans les années 60/70 sous cette bannière, fructueuse il faut le dire. Pour mémoire, le succès des concerts orgue et trompette avec Maurice André, ou les disques de Jean-Christian Michel.

Loin de cette séduction facile, Andy Emler construit son approche sur un choix de registrations adaptées à son propos, utilisant rarement le plein jeu et préférant s’amuser non sans humour avec ce que l’orgue permet, de l’évocation du sifflet de machine à vapeur aux déchaînements de l’orage. Ses thèmes peuvent fonctionner comme des comptines (« Crazy Orgue Café »), mais aussi être l’occasion d’échanges entre les diverses manières de mettre des tuyaux en vibration (« Pulsation Nocturne » en est un bon exemple, avec un Laurent Blondiau excellent), ou encore orgue et clarinette contrebasse (« Dehors dans les Nuages »). J’ai une petite préférence pour « Ti Pièce en Or », dont le titre joue sur le nom de Guillaume Orti, mais qui contient également de superbes moments de pur suspens. Bref, un disque qui s’instille doucement dans votre univers, chaque écoute révélant un peu mieux ce qui fait le prix d’une telle musique.