Angelica Sanchez Camila Nebbia

Rétrospectivement, il est évident que ce duo devait exister, tant l’entente est naturelle entre l’Américaine Angelica Sanchez et la saxophoniste argentine Camila Nebbia dans cet enregistrement capté live à New York en 2023. Pourtant, si, effectivement, la connivence est à tout moment perceptible dans la manière qu’elles ont toutes deux de faire advenir des vagues de musique sans marcher sur les plates-bandes de l’autre, au contraire en cherchant à enrichir le discours commun, ce qui captive l’oreille, c’est avant tout une proximité notable dans la manière de projeter le son.

Quoiqu’interprètes de deux instruments différents, on entend effectivement une volonté, qui remonte certainement loin chez chacune, d’épaissir la pâte sonore, la rendre lourde de sens tout en lui conférant une plastique dans le même temps ferme et onctueuse. Dans l’amplitude large du clavier de Sanchez qui embrasse autant les aigus que les basses et traverse l’espace sonore de traits fulgurants ou dans le timbre granuleux de Nebbia, qui creuse, sans être dans la raucité hurleuse, une matière puissante et profonde, les deux partenaires font monter un dialogue saisi dans le vif du présent.

Totalement improvisées, ces six plages sont autant du domaine de la lutte chorégraphiée que d’une poésie tellurique qui va chercher chez l’autre le moyen d’être saisie à bras le corps, bousculée, renversée pour monter aussitôt en intensité. Faisant advenir des pics d’une sensibilité poignante en dépit de l’atonalité du propos, les deux musiciennes font preuve, tout au long de ces compositions instantanées, d’une irréfutable générosité.