Niescier, Abdou, Angelini

Sans se départir d’un lyrisme fait de mélodies élégantes, le pianiste Bruno Angelini propose coup sur coup deux disques aux configurations orchestrales atypiques qui en font l’originalité et la valeur intrinsèque. Après Transatlantic Roots paru en 2021 chez Vision Fugitive, qui avait flatté nos oreilles par l’association d’une trompette, d’une batterie et d’un clavier, c’est une nouvelle fois en trio qu’il propose ce surprenant Lotus Flowers .

Surprenant car s’entourant de personnalités à l’aise dans les marges les plus radicales de la musique improvisée actuelle, Sakina Abdou, comme dans jazz vindicatif ultra-contemporain, Angelika Niescier, le pianiste met à l’épreuve un univers feutré qui, s’il reste cantonné sur ces terres, se trouve enrichi par les apports de ses partenaires de jeu. À partir de compositions dédicacées comme c’était le cas sur le précédent disque à des militant·es de la justice et de la paix (de Rosa Parks, Jane Adams aux poètes Paul Eluard ou Wayne Shorter à qui on doit le titre du disque), il délivre quelques fresques sensibles rythmées et chantantes que vient enrichir l’engagement plein des trois musicien·nes. Les saxophonistes notamment y jouent de frictions nuancées qui confèrent beaucoup de contrastes au déroulé général du répertoire sans pourtant le dénaturer. Les saxophones virevoltent et l’amplitude du clavier s’en trouve élargie.

On se laisse ainsi bercer, voire rapidement toucher par des chants qui restent en mémoire et ne s’épuisent pas en une seule écoute. Virtuosité de certaines lignes, interopérabilité entre les voix, le programme présenté devient un terrain de jeu dans lequel le plaisir de partager une cause commune est palpable. À pas mesurés, au fil des disques, Bruno Angelini gagne en diversité et ouvre plus large encore le champ de son expression musicale. Au bénéfice d’un auditeur, qui en restant dans les couleurs gris bleu qui sont les siennes se trouve charmé par son écoute.