Chronique

Antoine Pierre Urbex

Sketches of Nowhere

Antoine Pierre (dms), Bert Cools (g), Bram De Looze (p), Jean-Paul Estiévenart (tp), Félix Zurstrassen (b), Frédéric Malempré (perc), Toine Thys, Steven Delannoye (cl, ss, ts) + Ben Van Gelder (ts) Magic Malik (fl, voc)

Label / Distribution : Igloo

L’urbex, en photographie, c’est une attirance fort à la mode pour les bâtiments urbains abandonnés, en ruine, débarrassés de la vie mais pas de ses traces, souvent en capilotade. Loin, donc, a priori de la musique du batteur belge Antoine Pierre qui réunit autour de lui un sextet où se croisent jeune garde (le pianiste Bram de Looze, aperçu chez Stéphane Galland) et vieux lions (Jean-Paul Estiévenard, membre du collectif du même nom). Si l’Urbex inonde le propose de Pierre, c’est davantage dans l’usage d’une électronique psychotrope qui fait songer à de glorieux aînés. Si l’on pense souvent à Octurn, notamment sur « Green Over Grey » où, surprise, Magic Malik le rejoint sur trois titres, et trouve dans le guitariste Bert Cools (membre de l’étrange quintet international Merope) un compagnon de jeu idéal.
 
Sketches of Nowhere n’est pourtant pas dénué de vivant. Dans « Entropy », joliment introduit par un dialogue entre les claviers très dumoulinesques de Bram de Looze et le ténor impavide de Toine Thys, on perçoit un mouvement ordonné par une batterie très volubile et turbulente malgré sa grande rigueur, bien secondée en cela par la basse électrique de Felix Zurstrassen. Là aussi, la flûte de Malik vient colorer vivement le tableau. Voire bouscule tout sur son passage, avec une grande malignité. Ailleurs, ce ne sont qu’ombres diaphanes qui filent dans un décor très contrasté, à l’instar d’un joli « Aux Contemplatifs » qui tient du cristallin d’un morceau d’Akinmusire. Partout, la musique du sextet répond aux voix blanches, presque fantomatiques qui parsèment çà et là l’album. On pense notamment à « Dreams of Sand and Snow », au tout début du disque.
 
A l’écoute de cet album, on songe que l’heureux mélange psychotrope de l’électronique et des musiques improvisées, loin des tentatives toujours oiseuses de coller à la pulsation et à la danse est une spécificité typiquement belge. Loin de singer ses aînés, Antoine Pierre prend le parti de s’inscrire dans une esthétique en conservant sa propre vision des choses. C’est sensible dans le bien nommé « Tomorrow  », où son sextet le suit dans un drumming complexe et inventif pour célébrer une belle entente.