Chronique

Antonio Farao

Boundaries

Antonio Farao (p), Mauro Negri (ts, ss), Martin Gjakonovsky (b),Mauro Beggio (perc), Luigi Di Nunzio (as)

Label / Distribution : Verve / Universal

Ce n’est peut-être pas un hasard si Antonio Farao est né l’année de la parution de Maiden Voyage et du premier album du second grand quintet de Miles. C’est clairement dans cette lignée que s’inscrit cet album. Boundaries nous offre d’ailleurs une version endiablée de « Hand Jive » et une interprétation impressionniste de « Maiden Voyage ». C’est surtout par le style de jeu du groupe et par des compositions originales pleines de détours que cet album évoque les heures les plus glorieuses du second grand quintet. On y retrouve les couleurs que l’on adore sur ESP, Miles Smiles, Nefertiti ou encore Sorcerer.

Antonio Farao joue toujours avec style, il est d’une puissance impressionnante et d’une vélocité remarquables. On ressent une vraie connivence de groupe et pour cause, cet album rassemble des musiciens italiens avec qui le pianiste a déjà collaboré. Le saxophoniste Mauro Negri (musicien de Richard Galliano), le contrebassiste Martin Gjakonovski (qui joue avec le pianiste depuis 15 ans) et le batteur Mauro Beggio (découvert par Enrico Rava). Il s’agit là d’un groupe de post-bop très libre qui privilégie la musicalité et les couleurs.

Le contrebassiste ne se contente pas d’asseoir le groupe, il se révèle très inventif tout au long de l’album. De même le batteur s’émancipe de la pulsation avec beaucoup de créativité et brille à plusieurs moments, notamment dans un solo pas si loin de l’Afrique sur « Not Easy ». Ici la section rythmique est un vrai escalier pour le pianiste et le saxophoniste. C’était aussi le talent de Ron Carter et de Tony Williams. Le jeu tout en volutes de Mauro Negri charme et porte à merveille les thèmes de Farao.

Le titre éponyme tient la place d’un « Nefertiti » sur l’album. « Coolfunk » surprend par sa simplicité et au fil de son développement nous emmène plus loin qu’on l’aurait pensé. L’album comporte une ballade, « My Sweetest », la bien nommée, où Mauro Negri joue du soprano. Sur deux morceaux, « Coolfunk » et « No Easy », le groupe invite un jeune altiste, Luigi Di Nunzio. Ce dernier apporte des harmonies qui renforcent la magie des thèmes. On aimerait qu’il soit présent sur davantage de compositions. « Around Phrygian », soutenu par un bourdon à l’archet, est une conclusion coltranienne très émouvante et solennelle à ce superbe album.

Antonio Farao confie, à bon entendeur : « J’espère que l’on écoutera mon nouveau CD avec le cœur, d’une façon émancipée, inconditionnée, authentique ainsi qu’il a été pensé et réalisé. ». Si cela ne suffit pas à vous donner l’envie de découvrir sa musique, laissez-vous convertir par maître Hancock en personne : « Je ne suis pas souvent étonné par les enregistrements de musiciens actuels, mais j’ai été sidéré la première fois que j’ai entendu Antonio Farao sur un de ses récents enregistrements. Ce qui m’a stupéfait c’est ce que j’ai ressenti à l’intérieur de moi. Il y a tellement de chaleur, de conviction et de puissance dans son jeu. J’ai été immédiatement attiré par sa conception harmonique, la joie de ses rythmes et son sens du swing et la grâce et l’ingéniosité de ses lignes mélodiques d’improvisation. Antonio n’est pas seulement un pianiste mais un grand pianiste. ».