Chronique

Armel Dupas

A Night Walk

Armel Dupas (p, kb, voc), Mathieu Penot (dms, kb, prog, voc), Kenny Ruby (elb, kb).

Vous ne connaissez pas encore Armel Dupas ? C’est peut-être parce que le pianiste est un homme discret, à l’image de sa musique nocturne teintée d’une pointe de nostalgie. Pourtant, voilà un musicien dont on peut suivre la trace d’instrumentiste mais aussi de compositeur depuis quelques années. Par exemple aux côtés de la chanteuse Sandra Nkaké à l’occasion d’une longue tournée consécutive à l’album Nothing For Granted. Un peu plus tard, en 2013, il formera avec le batteur Corentin Rio le duo Waterbabies, lauréat du Tremplin Rezzo Focal Jazz à Vienne, et enregistrera l’album Inner Island. Après le duo, ce sera le solo et Upriver, disque aux climats éthérés qui révèlent une personnalité sensible chez qui l’impressionnisme tient lieu de seconde peau. Un voyage sensible et très émouvant, à l’instar du diaphane « Aujourd’hui il a plu », chanté par son amie Chloé Cailleton avec le renfort de Lisa Cat-Berro au saxophone alto. Artiste multi-cartes, Armel Dupas a travaillé pour le cinéma et les musiques de film (Arnaud Desplechin, Christophe Honoré, Michel Gondry) et son talent a été reconnu par Henri Texier qui l’a intégré au sein de ses Sky Dancers. Le contrebassiste ne tarit pas d’éloges sur lui et on connaît la valeur d’un compliment de sa part.

Solo, duo et maintenant trio avec A Night Walk, un disque court (à peine plus d’une demi-heure) mais qui suffit amplement à cerner l’univers Dupas, pourtant assez indéfinissable avec ses colorations électro et des élans qui le poussent parfois vers les rivages du rock progressif, avant de retrouver un chemin plus solitaire et vespéral. Armel Dupas s’est entouré d’un bassiste (Mathieu Penot) et d’un batteur (Kenny Ruby, rencontré lors de son passage chez Sandra Nkaké), tous deux ayant également en charge les synthétiseurs analogiques qui contribuent beaucoup au climat général du disque en l’attirant subtilement vers ce qu’il est commun de nommer ambient music. Car exception faite du final de « La réponse », presque symphonique, A Night Walk suggère plus qu’il n’affirme. Si l’influence d’un compositeur tel que Philip Glass est manifeste (« Boys From 1984 » ou « Late Afternoon »), ce qui se joue là est avant tout affaire de retenue et de minimalisme. On pourrait presque parler de timidité. C’est un piano faussement désaccordé et lointain (« Palo Alto »), un semblant de valse un peu surannée (« Soledad ») ou une chanson aux accents électro (« Être le vent ») sur laquelle vient se poser la voix empreinte de douceur d’Armel Dupas. Quant à la conclusion (« A Night Walk »), elle pourrait être le générique d’un film romantique.

L’histoire veut que A Night Walk déroule le scénario d’un homme traversant la nuit et parle d’une quête intérieure. Pour ce qui nous concerne, il est d’abord un temps d’apaisement, presque de recueillement. C’est là toute la singularité de ce disque qui semble tombé du ciel et des nuages pour s’offrir comme une parenthèse dans notre monde tourmenté.