Babos
Makrokozmosz
Gyula Babos (g), Gábor Winand (ts, ss, voc), Kornél Fekete-Kovács (tp), György Orbán (b), Tamás Czirják (dms)
Label / Distribution : BMC Records
Parmi les légendes qui ont fait exister le jazz de par-derrière le Rideau de Fer, les Hongrois se taillent la part du lion. On parle souvent d’István Grencsó, mais aussi pour la génération précédente de Béla Szakcsi Lakatos. Tous deux sont des habitués du label Budapest Music Center. Le guitariste Gyula Babos, de la même génération que Szakcsi, a davantage eu le loisir de figurer au catalogue de Hungaroton ou de Hunnia Records. C’est dire si Makrokozmosz est un disque important. Le musicien, par ailleurs professeur au prestigieux Conservatoire de Budapest, réunit avec son quintet Babos’ une sorte de concentré du jazz magyar. On y retrouve à la fois une base rythmique solide et nerveuse tenue par le batteur Tamás Czirják.
Dans « Rózsa Sándor », le titre inaugural, il croise le contrebassiste György Orbán, aperçu avec Viktor Tóth, pour une passe d’armes acharnée qui se laisse néanmoins le temps de construire. La guitare, influencée par le blues, crée un ample espace où chacun peut s’exprimer. Chaque morceau, assez long, procède par cycles qui se fondent comme des calques. Lorsque le chanteur Gábor Winand prend la parole, avec ses onomatopées si caractéristiques, on change soudain d’atmosphère ; il n’y a pas de rupture, juste un continuum qui va d’une certaine vigueur bebop jusqu’à une électronique fébrile qui étreint la trompette du remarquable Kornél Fekete-Kovács, leader du Modern Art Orchestra. Sur l’excellent « 9 és fél hét », son instrument perclus de pédales, soutenu par le jeu très tendu de Babos, fait songer à Popping Bopping, avec Bart Maris.
Gyula Babos déboule avec la jubilation de ceux qui n’ont pas grand-chose à prouver. Sur « Öt-Lett », plus ramassé, il se fond même dans la rythmique, lâchant de-ci de-là quelques riffs saignants sans virtuosité superfétatoire. Il place régulièrement Fekete-Kovács et Winand au premier plan. Ce dernier est indubitablement l’attraction de ce concert enregistré au BMC Jazz Club en février 2015. Car le chanteur se révèle également un excellent saxophoniste, notamment avec un son anguleux au ténor qui tranche avec sa voix tout en velours. Une nouvelle façon de goûter au sentiment d’infinitude qu’évoque décidément la scène magyare.