Béla Szakcsi Lakatos
Live at Müpa
Béla Szakcsi Lakatos (p), Chris Potter (ts), Reginald Veal (b), Terry Lyne Carrington (dms)
Label / Distribution : BMC Records
Véritable légende du jazz hongrois, qu’il a contribué à faire connaître dès les années 80 en multipliant les rencontres de Zappa à Dave Weckl, Béla Szakcsi Lakatos fait partie, comme Ulrich Gumpert, de ceux qui ont su transformer leur virtuosité classique en souffle libertaire à travers le rideau de fer. Une manière d’envisager la musique qui a contribué de manière décisive à l’identité du label Budapest Music Center, et plus globalement d’un certain jazz européen.
On avait eu l’occasion d’entendre ce compagnon de route du compositeur contemporain Peter Eötvös dans un solo sorti en 2011 où quelques standards passaient au prisme de sa culture classique. Sur le présent disque, enregistré en 2008 au Müvészetek Palotája [1], le pianiste invitait trois musiciens américains pour ses 65 ans - c’est donc pour son soixante-dixième anniversaire, cette fois, que BMC édite cette joyeuse rencontre. La fête est l’occasion de marier les reflets bop d’un morceau comme « Straight Ahead », gardé jalousement par la pulsation sans fioritures de Reginald Veal, aux motifs luxueux dont Lakatos agrémente le « Round About Midnight » de Monk. On retrouve à ses côtés le saxophoniste ténor Chris Potter, un habitué du label BMC. Moins décisif que dans sa collaboration avec Dániel Szabó, ce dernier se fait plus chaleureux qu’anguleux ; sur « B.A.C.H », qui montre le mieux quelle décontraction prévalait lors de ce concert, il semble même assez en retrait, laissant ses trois compagnons organiser une rythmique dévorante qu’il vient parfois densifier.
Car l’axe principal de ce Live at Müpa, c’est celui qui lie le pianiste à la batteuse Terry Lyne Carrington. Elève de Jack DeJohnette avec qui Szakcsi enregistra en famille 8 Trios for 4 Pianists pour BMC, celle-ci offre tout au long de l’album une prestation gourmande, presque envahissante lorsque les solos se succèdent à un rythme effréné. Il faut attendre « 8th District », le dernier morceau, pour que le quartet trouve le bon équilibre. Cette reprise rugueuse d’un morceau de Na Dara, où Béla Szakcsi évoquait ses racines tziganes, permet à chacun de s’exprimer sans tirer la couverture à soi. Les amateurs du pianiste préfèreront sans doute ses disques en solo ou avec de jeunes musiciens hongrois. Mais cette captation reste un intéressant témoignage du dialogue transatlantique qui reste le credo de Budapest Music Center.