Chronique

Bheki Mseleku

Home at Last

Bheki Mseleku (p), Enoch Mthalane (g), Herbie Tsoaeli (b), Feya Faku (tp, bugle), Phillip Meintjies (d), Winston Mankunku Ngozi (ts), Morabo Morojele (d), Ezra Ngcukana (ts), Tlale Makhene (perc).

Label / Distribution : Sheer Sound

Home at Last est un titre bien choisi car il marque d’abord le retour de Bheki Mseleku sur le label sud-africain Sheer Sound après quatre disques enregistrés pour Verve et Polygram. Ensuite, il marque la fin de plus de trente années d’exil à Londres. Enfin, il marque des retrouvailles joyeuses avec un foyer qui l’attendait impatiemment…

Tous les morceaux et arrangements de cet album sont de la plume de Bheki Mseleku. La plupart des morceaux évoquent des êtres chers au pianiste : « Sandile » rend hommage au guitariste Sandile Shanga, « Nants’ Inkululeko » est un hymne écrit lors de la libération de Nelson Mandela, « Monwabis » est dédié à Winston Mankunku Ngozi (autre grand musicien sud-africain), « Monk the Priest » est à l’honneur de Thelonious… Dans l’ensemble, l’écriture reste ingénieuse, même si elle est parfois un peu accroche-cœur comme ces fins fondues ou le chœur de « Come with Me Tonight ». Les thèmes, mélodieux, sont faciles à retenir, à l’image de « Mbizo » ou « Imbali ». Quant aux orchestrations, elles sont efficaces, avec de nombreux unissons - « Belinda Ananda » -, des contre-chants habiles (comme dans « Sandile » ou « Mamelodi », qui est un peu dans l’esprit des Jazz Messengers), et des dialogues bien amenés entre le ténor et le bugle, par exemple dans « Dance with Me Tonight » et « Nant’s Inkululeko ». Le tout s’appuie sur une section rythmique au groove particulièrement dansant.

Bheki Mseleku cimente cet ensemble, avec ses introductions brèves et percutantes (« Mamelodi »), ses solos relativement variés comme dans « Belinda Amanda » et, surtout, un va-et-vient constant entre la section rythmique et les soufflants, flagrant dans « Mbizo » et « Dance with Me Tonight ». En trio, dans « Love Is the Key » et « Monk the Priest », il manque au pianiste une petite pincée de folie pour réellement convaincre. Feya Faku, le « bugliste », possède une sonorité soyeuse (« Home at Last »), un timbre clair (« A Journey from Within »), et ses solos sont joliment construits, comme celui de « Mamelodi ». Winston Mankunku Ngozi est un ténor dans la lignée de Sonny Rollins (« Monwabis »), mais un zeste d’africanisme perce sous son jeu comme dans « Home at Last », où l’introduction de son chorus fait penser à Manu Dibango. Le deuxième ténor, Ezra Ngcukana, adopte un jeu syncopé bien ancré dans la tradition jazz, avec toujours une mise en place très dansante, par exemple dans « Nants’ Inkululeko ». Il en va de même pour le guitariste Enoch Mthalane, dont le jeu, « classique », laisse percevoir ça et là des accents de musiques zaïroises (accompagnement final dans « Sandile » et solo dans « Imbali »). Morabo Morojele et Phillip Meintjies qui alternent à la batterie, et Tlale Makhene aux percussions, sont des accompagnateurs sans fioritures qui privilégient avant tout simplicité et dynamisme (« Dance with Me Tonight » en est un exemple extrême). Enfin, la basse d’Herbie Tsoaeli louvoie avec pertinence entre les temps - « Home at Last », « Sandile » - et contribue indéniablement au groove de l’ensemble du combo.

Avec Home at Last, Bheki Mseleku offre un disque de fête, sans prétention intellectuelle, qui va comme un gant à ces retrouvailles avec un foyer chaleureux, davantage fait de rencontres et d’amitiés que de lieux communs, car, comme le souligne le journaliste John Matshikiza, pour Bheki Mseleku, « ‘’Home’’, it turns out, is the people you believe in » [1]. Une bien belle profession de foi.

par Bob Hatteau // Publié le 29 novembre 2004
P.-S. :

Voir aussi

[1Votre vrai foyer, c’est ceux en qui vous croyez.