Chronique

Bill Evans

In Norway - The Kongsberg Concert

Bill Evans (p), Eddie Gomez (b), Marty Morell (d).

Label / Distribution : Elemental Music

Bill Evans peut faire l’effet d’un sculpteur insatisfait, prompt à remettre sans cesse son ouvrage sur le métier pour atteindre la perfection. Non seulement il a fait évoluer la conception du trio piano, contrebasse et batterie, mais il a adapté son jeu d’une pureté inégalable aux différentes sections rythmiques qui ont dialogué à ses côtés. De 1968 à 1974, ce sont Eddie Gomez et Marty Morell qui se produisent aux côtés du pianiste. L’album Since We Met, enregistré au Village Vanguard à New York les 11 et 12 janvier 1974 et publié sur le label Fantasy, résumait bien l’entente parfaite entre ces trois musiciens.

La Norvège accueillait ce trio le 26 juin 1970 dans le festival de jazz de Kongsberg. Ce concert faisait suite à celui du 19 juin 1970 au casino de Montreux, capté pour le disque Montreux II publié chez CTI. Comme souvent, Bill Evans va interpréter « Come Rain Or Come Shine », « Autumn Leaves » et autres « Nardis » sans que ces réinterprétations soient comparables à des versions antérieures. Débordant d’imagination, Eddie Gomez ensorcelle « So What » par son solo créatif tout en ponctuant le thème, bien soutenu par la frappe très énergique de Marty Morell. Le batteur, qui a toujours voué un culte à la musique de Bill Evans, apporte une dose de swing à la fois décontractée et chaleureuse dans « Midnight Mood ».

Le trio donne une nouvelle vitesse de croisière au thème de Scott LaFaro « Gloria’s Step » qu’il avait peu interprété, comme pour le revigorer. Toute la délicatesse de Bill Evans s’épanche dans « What Are You Doing The Rest Of Your Life ? » qui expose mieux que tout ce qu’est l’art total. Le pianiste ne peut être catalogué dans une catégorie musicale prédéfinie, ce n’est plus seulement du jazz ou de la musique classique, mais bien de la poésie intemporelle. Les interrogations qui ressurgissent dans les compositions font de cet artiste un maître de l’investigation musicale, comme l’illustre le magistral « Turn Out The Stars ».

Avec sa frappe extensible, Marty Morell installe une synchronisation parfaite, la virtuosité d’Eddie Gomez n’occulte jamais l’aspect émotionnel et Bill Evans sait exprimer à la fois la beauté et la mélancolie par ses phrasés mélodiques. Très fourni, le livret contient une interview du pianiste réalisée par Randi Hultin au lendemain de ce superbe concert.