Chronique

Bjurström Quartet

Ookpik

Christophe Rocher (cl), Christofer Bjurström (p), Agnès Vesterman (cello), François Malet (dms, perc)

Label / Distribution : Marmouzic

Ookpik est le nom que les Inuits donnent à la Harfang des neiges, grande chouette blanche de la toundra arctique dont les apparitions sont aussi rares que précieuses, comme autant de poésie volée au ciel. Il en va ainsi du quartet de Christofer Bjurström et de sa musique, qui partage avec ce rapace nocturne l’élégance, le raffinement et la discrétion.

Il est ici question d’espace, de nature et de toutes petites choses. Ces choses si chères à ceux qui savent prendre le temps de les apprécier, de laisser leurs sens faire leur œuvre. « Je marche moins, mais je regarde mieux », écrit Pierre Sansot dans Du bon usage de la lenteur ; Ookpik résonne comme une invitation à ralentir son rythme (de vie), à s’extraire d’un quotidien saturé, à poser sur des êtres, des paysages ou des instants un regard profond, et à se laisser bercer par la beauté simple de ce qui trop souvent nous échappe. Le quartet s’attache donc à développer, autour d’un schéma souvent concis, un discours sensible où les poursuites de voix se multiplient afin que les instruments soient tour à tour porteurs de la mélodie ou garants d’un mouvement naturel qui sous-tend chaque composition.

Les registres respectifs des clarinettes et du violoncelle, proches de la voix, favorisent les échanges entre Christophe Rocher et Agnès Vesterman ; tous deux ont l’art de tresser des lignes inspirées tout en multipliant les climats et couleurs et en assurant un accompagnement subtilement agencée pour permettre au pianiste des soli sobres et touchants. François Malet rythme en finesse cet univers chambriste en alternant batterie et percussions, rythmes légers et ponctuations subtiles. Limpide et cristalline, la musique sonne de façon très singulière. S’y conjuguent joie et poésie, mélodies attachantes et développements narratifs.

Ookpik est un bonheur, une belle balade musicale au cours de laquelle se succèdent des tableaux rafraîchissants, petites scènes de vie d’ici ou d’ailleurs. « Après la tempête » (titre du morceau qui clôt l’album), le rapace s’envole dans la nuit vers de nouveaux silences. Sans doute pour revenir lesté des musiques qu’ils lui auront inspirées. Pourvu qu’elles soient aussi belles…