Chronique

Branford Marsalis

The Secret Between The Shadow And The Soul

Branford Marsalis (ts), Joey Calderazzo (p), Eric Revis (b), Justin Faulkner (dms)

Label / Distribution : Okeh Records

A force de considérer l’aîné des frères Marsalis comme un jeune plein d’avenir, on oublie qu’il s’achemine tranquillement vers la soixantaine. Reconnu pour ses qualités, il reste moins en lumière que son cadet Wynton, en raison de l’absence, à ma connaissance, de déclarations péremptoires concernant un jazz identitaire. Pour Branford, le choix a été fait dès le milieu des années 80 : le quartet sax, piano, basse, batterie. En se référant à des exemples illustres, on pourrait évoquer un « premier quartet » avec Kenny Kirkland, Robert Hurst et Jeff « Tain » Watts, puis un « second quartet » avec Joey Calderazzo et Eric Revis. Cette formule nous est à nouveau proposée avec un petit nouveau, le batteur Justin Faulkner, qui se montre à l’occasion particulièrement explosif.

La sortie du CD correspond à l’annonce d’une tournée européenne au mois de mars, qui évite la France, et dont l’itinéraire, comme pour les tournées électorales des candidats à l’élection présidentielle, est un défi à la théorie des graphes concernant l’optimisation des distances. Les meetings se déroulent en enfilant successivement Brno, Lisbonne, Utrecht, Séville, Copenhague. Mieux que la tournée épuisante de Charles Mingus en 1964. Ce deuxième quartet est totalement soudé, ce qui permet à Branford Marsalis d’alterner les compositions originales avec des incursions parfois inattendues, comme « Snake Hip Waltz, », d’Andrew Hill (qui renvoie à « Le Serpent qui danse » enregistré en 1964 pour Blue Note avec John Gilmore, ou encore « The Wind Up » de Keith Jarrett, publié chez ECM en 1974 (Belonging), sous le nom de Jan Garbarek, qui demeure un des points forts du CD.

L’alternance de pièces quasi-torrides avec des îlots de tranquillité permet de conserver intact l’intérêt de l’écoute. On remarquera aussi la maîtrise du soprano de Branford Marsalis, notamment dans « Nilaste ». Au total, du travail bien fait, et une gestion du capital musical en père de famille, sans placements à risques. Mais faut-il exiger de chaque artiste une révolution tous les quatre matins ?