Chronique

Bretch

Bretch

Sarah Brault (voc, acc, fx, elec), Ludovic Schmidt (tp, fx, elec)

Label / Distribution : Autoproduction

Jeune duo toulousain radical, Bretch est l’enclise vocalisée du nom de ses deux protagonistes, la vocaliste, accordéoniste et électronicienne Sarah Brault et le trompettiste (lui-même versé dans le travail du son) Ludovic Schmidt. Finaliste du dernier Jazz Migration, on pourrait croire Bretch concerné uniquement par la sculpture opiniâtre d’un bourdon tonitruant, qui ouvre l’album dans une communion puissante et monocorde entre trompette et voix. Mais comme souvent dans cette musique lorsqu’elle est subtilement travaillée, les premières lézardes ne tardent pas à créer des espaces et des reliefs, à révéler une poésie de l’infiniment petit : un souffle, une respiration à peine perceptible sous les fards de l’électronique, une voix qui tremble…

Sarah Brault est celle qui met en scène le duo. Que ce soit dans le « Bretch » initial, où la trompette devient souffle, peu éloigné du travail de Christian Pruvost dans Kaze ou plutôt chez Sakay. Avec « Brille » qui explore une stridence ouatée, c’est toujours la chanteuse qui propose la couleur et le climat. Charge à Schmidt de chercher la moindre petite encoche pour entamer la masse d’un drone qui est davantage une matière à malaxer que le sujet central de cette musique. Très proche de la musique que peuvent proposer le label américain Neither/Nor ou l’accordéoniste Émilie Škrijelj , le propos de Bretch est très poétique et entêtant.

C’est d’autant plus vrai qu’avec quelques morceaux de ce premier album, le duo nous entraîne aux confins d’une cartographie que l’on croyait pourtant assez défrichée : avec « Bêche », Sarah Brault nous entraîne dans une chanson de Malicorne (« Le Garçon jardinier »), écrite par Gabriel Yacoub, dont la douce mélodie semble sortir d’un brouillard inquiétant. Ce morceau à lui seul, petit diamant au centre d’une construction sensible et intimiste, incite à une écoute profonde de tout l’album, comme pour en révéler les secrets. Un décor inquiétant comme passé à travers le filtre d’un rêve fiévreux ; on pensera à Cellule, le premier album de Polymorphie, mais avec une candeur rare et précieuse, vite griffée par l’électronique (« Braise »). Issu du très intéressant collectif La Baraque à Free, Bretch est un duo plein de surprises à suivre avec grand intérêt.

par Franpi Barriaux // Publié le 20 novembre 2022
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