Chronique

Brun - Courtois - Fincker

Les Démons de Tosca Opus 1

Vincent Courtois (cello), Robin Fincker (ts), Sébastien Brun (dms, elec, fx)

Label / Distribution : BMC Records

On entre ici en terrain connu, même s’il n’est pas franchement rassurant. Pas hostile, non, mais pas non plus rayonnant ; un clair-obscur, une nuit tombante. Un entre-deux qui sied à merveille à l’approche de Vincent Courtois et à sa compagnie l’Imprévu qui n’a jamais si bien porté son nom que dans ce projet, Les Démons de Tosca, qui interroge Puccini et surtout la face noire de la création, celle qui était déjà à l’œuvre dans Mediums. On ne sera d’ailleurs pas surpris d’y retrouver le saxophone ténor de Robin Fincker, très ample et languide à l’image du long « Les Démons de Tosca Part III », où il se faufile entre un violoncelle qui marque un rythme sec et la batterie de Sébastien Brun, percluse d’électronique. La présence du fondateur de Carton Records pourrait être plus étonnante : on ignorait que deux mondes pouvaient si aisément échanger.

Ce que nous entendons là n’est qu’un fragment de l’œuvre. Enregistré à l’Opus Jazz Club de Budapest pour BMC - et bénéficiant ainsi d’une captation exceptionnelle -, Les Démons de Tosca peut concerner davantage de musiciens et des dispositifs vidéos. C’est la volonté de Courtois que d’être imprévisible, de suivre une trame mais de garder le choix des armes. C’est ce que l’on ressent dans le très beau « Waiting For Sadness » où Fincker pousse la batterie à tenir une rythmique dure qui cependant ne corsète jamais un violoncelle libre de ses mouvements. Courtois fait naître beaucoup de poésie de sa recherche des démons intérieurs, et il le fait en toute confiance avec un fidèle comme le saxophoniste. Il révèle beaucoup de douceur et de tendresse, sans que ceci soit jamais paradoxal. L’album conserve ce goût de l’équilibre, pour les zones grises où plusieurs sentiments se mêlent. La mélancolie est très fructueuse.

Né pour être joué partout et de manière inattendue, notamment au cœur des quartiers populaires comme une sorte de happening, Les Démons de Tosca s’imprègne de l’atmosphère sulfureuse du livret de Puccini pour révéler une légèreté peu commune. La part de noirceur de chacun réunit la batterie pleine de rock et le violoncelle nourrit une discussion volubile que Fincker densifie. Et de toute façon, qu’attendrions-nous du silence ? Cette ombre prend magnifiquement bien la lumière.