Chronique

Bruno Schorp

Into the World

Bruno Schorp (b), Christophe Panzani (sax), Leonardo Montana (p), Gautier Garrigue (dms) + Nelson Veras (g), Charlotte Wassy (voc), Tony Paeleman (kb).

Label / Distribution : Shed Music

On se souvient de la vivacité des teintes du Colors Sextet de Bruno Schorp dans un album fort justement nommé Éveil [1]. Au cours des années passées, on a pu découvrir le métissage de son jeu et le spectre de ses inspirations – des compositeurs classiques aux musiques actuelles – par des collaborations multiples qui donnent aussi le tempo de projets en cours ou à venir : Éric Séva, Olivier Calmel, Tam de Villiers, Jean-Pierre Como, Christophe Panzani Large Ensemble avec Vincent Peirani, Pierre Perchaud et Antoine Paganotti…. Autant de bonnes raisons de ne pas être surpris par un accomplissement personnel et musical dont Into The World est le révélateur.

Le contrebassiste s’avance comme un musicien du chant de l’âme. Celle d’un être posant sur le monde un regard empreint de douceur et de force mêlées, non sans une pointe de mélancolie, mais aussi de joie. Tout au long des neuf compositions de l’album (parmi lesquelles une reprise de « Travessia » signée Milton Nascimento), sa musique réflexive interroge le sens de la vie et lance un appel à notre soif de découverte. Elle est un voyage intérieur tout autant qu’en direction de pays lointains comme le Népal ou le Brésil. La vie est mouvement, le mouvement est vie.

À ses côtés, quelques partenaires veillent avec la plus grande attention sur ce qu’il faut comprendre comme une réalisation. On retrouve parmi eux des musiciens qui ont créé le label Shed Music - sur lequel Into The World est publié - comme Christophe Panzani, dont le saxophone méditatif est source d’introspection, lui qui voici peu était en quête d’Âmes perdues. Leonardo Montana, autre fidèle compagnon, pose sur les touches de son piano des éclats de lumière. Gautier Garrigue est comme à son habitude un batteur de la suggestion et de la délicatesse des timbres. À ce trio, on ajoutera aux claviers celui dont on connaît par ailleurs les qualités d’agenceur du son, Tony Paeleman. Il faut mentionner aussi la spiritualité d’une guitare hors du temps, celle de Nelson Veras sans oublier la voix suspendue de Charlotte Wassy, qui magnifie le presque immobile « A Noite », signé Montana.

Les influences de Bruno Schorp sont revendiquées : difficile en effet de ne pas penser à Avishai Cohen à l’écoute d’une composition telle que « Le lien » ou aux ambiances in vivo de Weather Report sur « Katmandou ». Mais le contrebassiste fait d’abord entendre sa petite musique persistante à forte teneur mélodique. On vibre à Into The World avec d’autant plus d’intensité que le disque agit comme le filtre de nos propres émotions et sonde des questionnements existentiels. Bruno Schorp, voyageur contemplatif, a beau se présenter en leader, avec son nom « en haut de l’affiche », il sait que seule la force du collectif permet de regarder devant soi et considérer demain avec optimisme. On peut, sans prendre le moindre risque, avancer à ses côtés.