Chronique

Building Instruments

Månen, Armadillo

Mari Kvien Brunvoli (voc) ; Åsmund Weltzien (synth) ; Øyvind Hegg-Lund (d)

Label / Distribution : Hubro

Cliquetis, grincements, nappes étendues et respirations audibles. Månen, Armadillo exhale de drôles de textures sonores, des échos lointains d’une nature éternelle filtrés à travers les rouages d’une mécanique bringuebalante.

Building Instrument, au nom comme un manifeste, mélange, pétrit plutôt, l’organique et le mécanique. Son futurisme de fortune, où la douceur charnelle perce sous l’acier cabossé et le plastique raccommodé, est le fruit d’un mode d’écriture original élaboré par le trio et fait d’un va-et-vient entre élaborations collectives et affinages bricolés par chacun de son côté (morceaux « improvisés et arrangés » par le groupe, nous précisent judicieusement les notes de pochette).

La trace de la main, des tâtonnements et multiples tripotages acoustico-numériques, le chant à la fois rêveur et têtu, éthéré et entêtant de Mari Kvien Brunvoll, confèrent à cette matière hybride des vertus capiteuses.

Il est dès lors facile de s’abandonner à l’hypnose devant le spectacle auditif de ces étranges automates d’art, légèrement asynchrones avec le rythme du monde. Mystérieux ballet qui convoque de drôles de mouvements, des spectres dolents, des voix évanouies qui viennent de loin comme des rivières – pour emprunter les images saisissantes de García Lorca dont deux poèmes, ici traduits en norvégien, sont mis en musique. Comme un heurt de climats, autre greffe improbable et pourtant fertile.

par Aymeric Morillon // Publié le 12 octobre 2025
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