Camila Nebbia & Patrick Shiroishi

Deux saxophonistes rigoureux et intransigeants se rencontrent. D’un côté, Patrick Shiroishi, musicien installé à Los Angeles et d’origine nippone. De l’autre, Camila Nebbia, jeune prodige argentine installée en Suède, à quelques mois de son arrivée en France. De quoi embrasser le monde, que les deux soufflants ont décidé d’attaquer par une phase abrupte. Habitué aux projets très abstraits, Shiroishi est dans son univers avec The Human Being as a Fragile Article : une musique faite de temps, de sculpture attentive de la masse du silence et de tangentes électroniques, à l’image de « Mientras el cisne blanco se eleva al cielo no deja rastros acá abajo 白鳥が天に昇る時 地上には何も遺さない », long développement où les sons s’effilochent et où la patte Nebbia et ces voix lointaines et entêtantes trouvent un biotope parfait pour s’épanouir.

C’est avec beaucoup d’humanité que le duo envisage la rencontre. L’humain du titre est omniprésent dans la musique qui est comme un tour du monde le temps d’une respiration, comme ce « El espacio entre el lenguaje », où des chants de travail enregistrés viennent séparer les souffles languides des saxophones, pour engendrer une rythmique qui oscille entre cohésion et fugace hymne de lutte. L’omniprésence des field recordings ancre le duo dans une unité de lieu, bien que celle-ci soit constamment mouvante. Ainsi, « Al costado de los recuerdos » est une brèche inaugurale qui nous fait pénétrer dans un monde calme et luxuriant, agrémenté de chant d’oiseaux et de percussions erratiques. Nebbia et Shiroishi se découvrent, au sens où ils s’ouvrent l’un à l’autre et laissent apercevoir toute leur bienveillance, avec ce qu’il faut de poésie, même lorsque sur le plus tendu « Apagar el televisor », c’est la stridence et une agressivité nouvelle qui nous accueille. Mais la colère est indissociable de l’Humain.

Proposé en cassette audio et disponible sur la plateforme BandCamp, The Human Being as a Fragile Article est un jalon de plus dans le puzzle de rencontres que Camila Nebbia additionne depuis plus d’un an. Cette rencontre discrète et pourtant foncièrement transparente est un morceau d’intimité qui s’offre sans voyeurisme, une parcelle issue d’une discussion rare et brute qui ressemble beaucoup aux artistes en présence.