Chronique

Cécile McLorin Salvant

The Window

Cécile McLorin Salvant (voc), Sullivan Fortner (p)

Le disque ouvre sur « Visions » de Stevie Wonder et s’il n’y avait qu’une seule raison pour l’acheter, ce serait pour écouter cette reprise.

Toute la tension, la maîtrise et le grain de folie de la voix de Cécile McLorin Salvant est concentré dans cette chanson. Car cette chanteuse possède le don, rare, d’être à la fois une interprète très précise et très juste tout en restant en équilibre entre fêlures (plus ou moins volontaires) et fantaisie. Une voix qui fait oublier tout le travail nécessaire à son accomplissement.

Le duo qu’elle forme avec le pianiste et organiste fonctionne sur le même mode sérieux/fantasque, et l’habileté avec laquelle Sullivan Fortner passe d’accompagnateur à soliste sans qu’on s’en aperçoive fait partie du mystère.

Parmi les standards proposés dans ce disque, une seule composition originale de la chanteuse, en attendant un prochain projet plus personnel. Comme à son habitude elle propose une chanson française – « J’ai l’cafard », écrite en 1926 et popularisé par Damia et Frehel – petit clin d’œil à la part francophone de sa personnalité. La plupart des textes racontent des histoires d’amour plus ou moins heureuses : c’est un disque pour personnes sensibles. L’ensemble des chansons recèle beaucoup d’énergie, de riches harmonies et un équilibre dynamique qui donne une grande cohérence au projet.

On peut faire abstraction du personnage, de ses lunettes et ses tenues originales ; Cécile McLorin Salvant a une voix qui touche, directement, une voix qui semble avoir toutes les ressources nécessaires pour tout interpréter. Le genre de chanteuse dont on espère qu’elle se hissera le plus haut possible au panthéon du jazz vocal, à la droite de la sainte trinité…
C’est, en tout cas, tout le mal qu’on lui souhaite.