Chronique

Christoph Erb / Jim Baker

Bottervagl

Christoph Erb (ts, bcl) Jim Baker (p)

Label / Distribution : Veto Records

Véritable voyage entre deux villes jumelles, la collection Exchange du label Veto Records met en relation les musiciens de Lucerne et ceux de Chicago sous l’égide de Christoph Erb, multianchiste fondateur du label. Dernière sortie de la collection et pourtant acte fondateur de l’échange entre les deux villes, l’album du Luzern-Chicago Connection était le premier où n’apparaissait pas Erb. Avec Bottervagl, Exchange reprend le cours des rencontres entre le Suisse et la crème de la jeune garde chicagoane. Jim Baker, qui l’accompagne ici, n’est pas un inconnu. Ce pianiste a déjà croisé la route de Nicole Mitchell ou Ken Vandermark ; il figurait surtout sur le premier enregistrement d’Erb dans l’Illinois, en trio avec le percussionniste Michael Zerang.

Cette nouvelle réunion se déroule sans temps morts. Sur « Motyl », Erb s’élance dans une course immatérielle où des heurts agressifs semblent bondir d’obstacle en obstacle, uniquement rythmés par le claquement omniprésent des clés du ténor. A sa suite, Baker retrouve son jeu caractéristique qui, sec et sans lyrisme, s’ébroue dans le tumulte. Les deux complices affichent très vite leur unité dans la frappe déterminée de leurs touches respectives. Chacun des morceaux de Bottervagl porte le nom d’un papillon chatoyant. On retrouve sur « Tximeleta » cette même impression de mouvement aux couleurs désordonnées, de chemins aériens aléatoires semés de virages et d’entrelacs. La grâce languide de la clarinette basse, dont Erb est vraiment l’un des plus troublants instrumentistes, irise « Gwilwileth », d’une lumière pleine de poésie ; c’est certainement le morceau le plus abouti de l’album. Insaisissable et plus chaleureux, Erb incite Baker à retenir ses ostinatos cristallins main-droite pour un toucher plus onirique, mais toujours sans apprêt.

Au fur et à mesure qu’Erb nous livre les enregistrements de ses expériences en terres chicagoanes comme il publierait un carnet de route, Exchange dresse le portrait d’un improvisateur chaleureux. Plus globalement, la collection capte un instantané des musiques improvisées de chaque côté de l’Atlantique par le prisme d’un musicien. Erb n’a pas fini de nous étonner par sa faculté de passer d’une musique percluse d’effets oppressants à une autre, respectueuse d’une certaine tradition free. On l’accompagne volontiers dans ce nouveau voyage.