Chronique

Christophe Leloil

Line 4

Christophe Leloil (tp), Carine Bonnefoy (Fender Rhodes), Eric Surmenian (cb), André Charlier (dm).

Label / Distribution : Durance/Orkhêstra

Un fluide court d’une pièce à l’autre de cette suite. Le fil rouge qui innerve cette ligne 4 d’un métro virtuel est la musique de son conducteur, le trompettiste et bugliste Christophe Leloil. Auteur de la quasi-totalité des compositions, à l’exception d’une reprise bienvenue de « Lotus Blossom » (du merveilleux Billy Strayhorn), ce Normand devenu sudiste enregistre son dernier « tube » sur le très intéressant label Durance, sis à Digne, dans les Alpes de Haute-Provence.

Réglons donc notre boussole sur la cartographie rêvée de ce périple jazzistique qui nous emmène de Paris à New York et de Londres à Marseille via Gênes et Moscou, sans oublier Erevan ou Barcelone. Des évocations parfaitement imaginaires, et c’est très bien ainsi, si l’on accepte de se laisser embarquer dans l’aventure. Le voyage est alors un régal, sans décalage horaire, langoureusement voluptueux dans les ballades où Leloil excelle, « C.C.C.P » ou « Numbers », par exemple. Ce musicien qui sonne et résonne nous fait entrer d’emblée dans un univers familier car il sait aussi ce qu’il doit à ses pères (bel hommage à Booker L.), et l’émotion, le plaisir vous saisissent, plus que la virtuosité dont il fait preuve par ailleurs. Ajoutons un sens réel des nuances sur ce « Light Change » inspiré par Marseille - qui en manque singulièrement, mais que voulez-vous ? Leloil est tombé amoureux de la ville au point d’en devenir un des musiciens-phare, avec qui il faut désormais compter.

Ses compositions, lancinantes ou entraînantes, mais toujours lyriques, nous promènent sans contrainte (l’irrésistible « Uptown »), dans une urbanité plutôt idéale : si on se sent parfois « Lost in the Tube » dans les courtes transitions qui rythment la suite, on n’est sûrement pas « Lost in Translation » car la langue empruntée est familière, aimée, sensuelle et chaleureuse ; il y a résonance, en une terre qui n’est plus inconnue.

Précisons que l’équipage de cette ligne de rêve compte quatre membres : Carine Bonnefoy, très inspirée au Fender Rhodes, qu’elle ne pratique pas d’habitude, se sort à merveille du challenge que lui propose Leloil. André Charlier « drive » ferme et énergique, Eric Surmenian est formidable à la contrebasse (solo à l’archet trop court sur « CCCP », très chantant sur « Free Time Mood », impérial sur l’introduction de « Numbers »).

Un album qui éveillera certainement quelques E.C.H.O.E.S et qu’on prendra plaisir à écouter et réécouter.