Chronique

Countryman / Tan / Bucher

Acceptance.Resistance

Rick Countryman (as), Simon Tan (b), Christian Bucher (dms)

Label / Distribution : Improvising Beings

Avec le label Improvising Beings, la seule certitude tangible est la surprise. Fureteur reconnu de l’ensemble des marges qui bordent les contours flous de l’improvisation, le label de Julien Palomo a toujours une oreille qui traîne sur les scènes les plus improbables ; mais on se méprendrait à y voir un simple cabinet de curiosités. Improvising Beings maintient une ligne éditoriale bien réelle et une fidélité immense à certains musiciens et à ceux qui se rangent sous leur bannière. C’est le cas notamment, principalement même, du saxophoniste Sonny Simmons. L’aura de l’altiste nourrit si bien la légende des outsiders qu’on en viendrait à croire que les insiders existent : de quoi influencer largement bon nombre de musiciens, à commencer par ce trio inédit. Il réunit l’altiste américain Rick Countryman, le batteur Christian Bucher, pur produit suisse du conservatoire de Lucerne et le bassiste philippin Simon Tan. C’est d’ailleurs sur l’archipel tropical qu’a été enregistré cet album.

Acceptance.Resistance est sous titré à l’intérieur du livret « Modern music in the Coltrane and Simmons Tradition ». On ne saurait mieux décrire un morceau comme « Next Time », où la contrebasse de Tan, extrêmement rugueuse et émaciée, se fracasse tel le rouleau continu d’une vague sur la batterie sèche de Bucher. La base rythmique est dense, elle ne se perd pas en une débauche superfétatoire de couleurs. Ce qui compte, c’est jouer des coudes et maintenir une tension permanente ; pour le lyrisme, c’est vers le saxophone qui faut se tourner.

Countryman est, sans réclamer le leadership, celui qui offre de l’espace et de la perspective au trio. Il est l’ouvreur plus que le guide. Par un souffle parfois traînant et sablonneux, il confère à toute cette énergie une facette spirituelle (« Resistance », sans doute le morceau le plus coltranien, où Simon Tan brille, singulièrement à l’archet). On songe à d’autres orchestres très inscrits dans cette tradition, à commencer par la doublette François Carrier et Michel Lambert, notamment avec John Edwards. Il y a une grande force dans ce disque, comme en témoigne « Power Out » et la rage soudaine de Bucher, mais aussi une belle harmonie. Acceptance.Resistance est une parabole de l’équilibre des forces, de la réconciliation intérieure et de la rupture extérieure. Une belle œuvre de genre, sans essoufflement, qui séduit par sa rigueur.