Csaba Palotaï Trio
Antiquity
Csaba Palotaï (g), Rémi Sciuto (bs, ss), Steve Argüelles (dms, objets) + Vincent Ségal (cello, guest)
Label / Distribution : BMC Records
Il n’y a pas, a priori, de désert répertorié sur le territoire hongrois. Pas d’étendue sèche, pas de vallées de sable et de nids de poussière. S’il existe des lieux sauvages, ils sont plutôt humides, du côté du lac Balaton. Les paysages que Csaba Palotaï décrit avec sa guitare au son languide sont donc purement fictionnels, ou nourris d’autres lieux, d’autres cultures. C’est déjà ce que l’on entendait dans son solo The Deserter ; en trio dans Antiquity, toujours publié par Budapest Music Center, les images prennent davantage de contraste. Ainsi « The Cell » est une jolie ballade qui évoque un lent road movie dans le sud des Etats-Unis, avec ce qu’il faut de radiation solaire, de moiteur collante mais aussi, paradoxalement, de légèreté. Avec le batteur Steve Argüelles et le saxophoniste Rémi Sciuto, habitué aux grands écarts avec son sopranino et son baryton, Palotaï construit un monde qui leur ressemble, à la fois sans attache et extrêmement accueillant, à l’image de « The Seventh » qui convoque un blues teinté d’africanité où ils invitent Vincent Ségal.
Lorsque Csaba Palotaï a émergé sur la scène française, où il réside depuis plus de vingt ans, il avait monté Grupa Palotaï : outre Thomas de Pourquery, on y trouvait déjà Rémi Sciuto dans un rôle d’architecte qu’il tient encore ici (« The Rite », où il est pourvoyeur de couleurs). Le guitariste au son si familier décrivait son propos comme du « garage jazz », et l’on peut en voir çà et là quelques résurgences. Notamment lorsque sur « 5 am » il va chercher au plus profond de ses cordes, dans le bourdon caniculaire généré par Argüelles, toujours indispensable quand il s’agit de transcender le rythme et donner du relief. Il ne s’empêche pas pour autant de faire sautiller ses camarades, à l’instar d’un « V Game » plein d’énergie.
Les antiquités de Palotaï sont le fruit de recherches patientes. C’est une des composantes majeures du jeu du guitariste, qui n’est jamais bardé de certitudes et n’hésite pas à user de l’introspection pour imaginer de nouveaux terrains à défricher. Les paysages qu’il nous propose sur ce disque nous arrivent comme de multiples petites photos, des miniatures comme une planche contact qu’on aurait laissé tremper dans un bain de sépia, altérant un peu la netteté mais pas la précision de la composition. Un joli voyage intérieur.