Chronique

Daltin trio

Tango de l’autruche

Grégory Daltin (acc, bando, acca), Julien Duthu (cb), Sébastien Gisbert (perc)

Label / Distribution : Klarthe Records

La rencontre entre Grégory Daltin, Sébastien Gisbert et Julien Duthu n’était pas une configuration sur laquelle les connaisseurs de la scène toulousaine auraient spontanément misé. Et pour cause puisque, si l’on rencontre Grégory Daltin dans différents projets portés par Didier Labbé, il officie beaucoup plus dans les musiques contemporaine et classique. Quant à Sébastien Gisbert, il œuvre dans les musiques du monde en même temps qu’il est suppléant dans l’orchestre du Capitole. Seul Julien Duthu est très étroitement associé au jazz. On le trouve notamment dans le quintet de Christian Tonton Salut ou encore au sein d’Initiative H et il a lui-même monté son quartet avec Robin Fincker, Pierre Pollet et Camille Secheppet.

Il s’agit donc d’une formation a priori peu probable, créée en 2012 grâce à un spectacle pour enfants monté par la compagnie de Nelson Dumont où les trois musiciens se sont rencontrés, puis une commande de l’Espace Croix-Baragnon de Toulouse.

Dans cet album, les mélodies sont jouées par l’accordéoniste. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le trio porte son nom et dès le premier morceau - une « valse à deux temps », déclinée en fait en trois temps à l’exception d’une mesure du pont - c’est Grégory Daltin qui mène mélodies et chorus. De fait, son jeu peut sembler en avant. Mais il serait très réducteur de passer sous silence percussions et contrebasse. On aura en effet du mal à ne pas rendre compte du jeu de Sébastien Gisbert qui, par exemple, donne un cachet obsédant et presque électro au « Tango de l’Autruche », ou de « 3 Over Reggae » une composition du percussionniste sur laquelle Julien Duthu déroule ses phrases avec beaucoup de minutie. C’est une des preuves que ce projet, volontairement loin de tout tape-à-l’œil, est construit avec intelligence. Et puis, difficile également de ne pas voir que le contrebassiste signe quatre des onze pistes qui composent cet album.

On trouve également trois reprises dont le tango « Historia de un Amor ». L’interprétation est très belle. Mais un tel titre aurait-il pu supporter une charge émotionnelle a minima ? On trouve également le poignant « Alfonsina y el Mar ». Celles et ceux qui connaissent la version d’Avishai Cohen seront sûrement surpris par le tempo plus rapide. Peut-être est-ce parce que Julien Duthu, qui a proposé cette reprise, a découvert la version d’Avishai Cohen après celle du trio de Giovanni Mirabassi ? Une formation citée en modèle pour son choix d’une rythmique épurée afin de souligner au mieux les mélodies. C’est ce même fil rouge qui a animé les trois musiciens toulousains au point d’ailleurs que souvent Grégory Daltin troque l’accordéon pour le mélodica afin de jouer chorus et mélodies sans voicing. Un choix pertinent qui a accouché d’un album sans esbroufe et inspiré.