Chronique

Dave Brubeck

Zurich 1964

Dave Brubeck (p), Paul Desmond (as), Eugene Wright (b), Joe Morello (dm)

Label / Distribution : TCB

Ce soir là, Dave Brubeck avait décidé de faire taire un fois pour toutes les critiques, qui lui reprochaient un jeu lourd, en complète opposition avec le côté aérien et swinguant de Paul Desmond. A cet égard, « Audrey », le premier thème, est un modèle du genre. Paul Breitenfeld (Desmond) l’expose en lignes souples et légères, avec son air habituel de penser à autre chose. Suit Brubeck, qu’on attend au tournant. Il phrase de la main droite d’abord, d’une façon très classique, puis commence son travail sur le clavier, d’abord par des décalages peu sensibles, de plus en plus appuyés. Suit une période d’indépendance des deux mains (la rythmique ne bouge pas, c’est l’idée), quelques accords en « block chords » qui virent à l’obsession, on frôle le poids des notes, et tout s’allège soudain, pour la plus grande joie de Joe Morello. Solo de contrebasse, et retour de Desmond. J’espère qu’Audrey s’est reconnue.

« You Go To My Head » est le morceau de bravoure de Paul, celui où il émerveille, du début à la fin. « Take Five » suit immédiatement, applaudi à tout rompre, et bien que ce soit une idée de Desmond, c’est d’habitude un morceau démonstratif pour Joe Morello. Mais ce soir là, c’est Paul qui enchaine chorus sur chorus, trouvant des idées au fur et à mesure de son discours. Le patron pianiste se régale de ce rythme baroque, Joe Morello inscrit son solo à partir des accords du piano, moins simplement efficace que dans la version de studio qui reste un modèle du genre.

Encore un beau « Pennies From Heaven » (sur tempo rapide) avant de s’acheminer vers la fin de ce concert de Zurich, un parmi les très nombreux de cette époque, un peu partout dans le monde.