De Beren Gieren

Au premier abord, ce sont des lignes horizontales qui déferlent, une impression de facilité qui peu à peu s’estompe. Tout l’inverse se profile alors rapidement, méandres et saccades rythmiques font leur apparition. Ce trio interroge et captive à la fois, sa musique n’est guère prévisible. Tant mieux.

Fulco Ottervanger compose et s’amuse sans aucun doute, il nous emmène dans un labyrinthe sonore et cherche à nous perdre en chemin. Qu’il joue du piano avec un certain classicisme, passe encore, mais qu’il brouille les cartes avec des sons de synthétiseurs fulgurants ne peut nous laisser indifférent. Ce jeune musicien est tout autant un compositeur original qu’un chercheur bourré de talent. Cerise sur le gâteau, il manie avec ferveur un Clavinet, oui, cet instrument oublié qu’aimait torturer Siegfried Kessler dans un autre siècle. Cela fait plus de vingt ans que De Beren Gieren écume la scène des musiques improvisées, Wirklich Welt So fut leur première carte de visite réussie en 2012. D’autres disques suivirent et celui-ci ne déroge pas à la règle : ouvrir de nouvelles voies et si possible conserver une forme d’accessibilité pour les auditeur·trice·s.

L’Orient nous tend les bras avec « Papir Freedom », une brise légère envahit l’atmosphère, vite remplacée par les nombreux éclairs de « Mimic ». La musique répétitive se soumet soudain à l’envahissement de nappes électroniques dans « Very Important vs. Nothing » qui nous transporte totalement. Cette composition aurait enchanté Holger Czukay car c’est bien l’esprit de Can qui plane souvent au-dessus de ces envolées soniques.

Lieven Van Pée se positionne comme le gardien du rythme à la contrebasse, « The Houses » et « I’ll Explain Later » présentent deux facettes opposées de son tempérament musical. Les interventions chaleureuses du batteur Simon Segers, tout aussi à l’aise dans ces explorations révolutionnaires qu’avec le groupe de rock Stadt, apportent une intensité permanente.

Cet album préfigure le jazz de demain, décomplexé, ne négligeant jamais les expériences et autres mixtures inédites. En plus de tout cela, What Eludes Us remet la danse au goût du jour, confirmant ainsi son style inclassable.