Chronique

Deep Ford

You May Cross Here

Robin Fincker (ts, cl), Benoît Delbecq (p, bass keyboard, electronics), Sylvain Darrifourcq (d, electric zither)

Label / Distribution : BMC Records

On connaît depuis belle lurette Sylvain Darrifourcq, Robin Fincker et Benoît Delbecq. On a suivi leurs parcours géniaux dans les méandres des musiques improvisées et You May Cross Here ne déroge pas à la règle. On est ici dans un registre de « pure music » que les trois musiciens placent dans la filiation du trio de Cecil Taylor avec Jimmy Lyons et Andrew Cyrille ou encore dans celui d’Alexander von Schlippenbach avec Evan Parker et Paul Lovens.

Esthétiquement, c’est à travers mille et une touches que ces pointillistes élaborent les sept morceaux qui composent ce tableau. On aurait envie de dire que tout est dans le son ; c’est bien entendu erroné, mais on perçoit un travail sur la matière. C’est d’ailleurs en cela que la comparaison avec la peinture semble pertinente. On découvre chacun des morceaux comme un tableau qui se crée là, immédiatement, devant le public. Un riff, un motif, un rythme, une phrase et c’est l’esquisse de la toile qui s’invite avant d’évoluer pour prendre sa forme définitive. Mais attention, ici on ne barbouille pas. Il y a, à la fois, beaucoup de liberté et beaucoup de retenue. C’est d’ailleurs très certainement parce que le trio tient là un équilibre subtil que You May Cross Here est une fort belle réussite ; il est vivement conseillé d’emprunter ce gué.