Tribune

Dennis González, le globe-trotter s’est arrêté

Le trompettiste et activiste musical est mort le 15 mars 2022.


Pédagogue, fondateur texan de la Dallas Association for Avant-Garde and Neo Impressionistic Music sur le modèle de l’AACM, animateur de radio et surtout trompettiste de génie, Dennis González est un musicien qui a marqué son époque par sa capacité à toujours bien s’entourer et à multiplier les connexions aux Etats-Unis et dans le monde. Principalement enregistré en Europe, singulièrement par Ayler Records qui a édité son orchestre Yells at Eels avec ses deux enfants, Aaron le contrebassiste et Stefan le batteur. Il est décédé le 15 mars dans sa ville de Dallas.

Le monde de la musique revendique souvent d’être une grande famille ; il est plus rare que ce soit au pied de la lettre. Avec Aaron González et Stefan González, il a mené un orchestre a géométrie variable, avec le saxophoniste Tim Green et de nombreux invités, à commencer, en 2010, par le batteur sud-africain Louis Moholo Moholo. Très marqué par le free jazz et notamment la lame de fond de l’AACM, le son de la trompette de Dennis González est reconnaissable par sa densité et sa nervosité ; la présence de ses deux fils à ses côtés a contribué à durcir son jeu, notamment en le faisant côtoyer des musiciens radicaux, comme Pinkish Black, auteur d’une drone music dont Ayler Records a témoigné sur le musclé Vanishing Light in The Tunnel of Dreams. Mais son travail avec ses deux enfants ne s’arrêtera pas à cet orchestre : en témoigne The Gift of Discernment, enregistré en septet avec le fidèle batteur Alvin Fielder.

Compagnon de route dans les années 70 de musiciens comme Max Roach, Cecil Taylor ou Roy Campbell, on retient surtout ses collaborations marquantes avec Henry Grimes (Nile River Suite) et Charles Brackeen (Namesake). A bien des égards, c’est avec ce dernier, au sein du New Dallas Sextet, que González enregistrera son album le plus marquant, en 1987.

Accompagné de Malachi Favors à la contrebasse, très en verve sur « Namesake », mais aussi de Douglas Ewart à la clarinette basse comme preuve des connexions incessantes avec l’AACM, Dennis González livrait dans cet album une vision puissante et humaniste de sa musique, qui ne se concevait que collectivement. Touche-à-tout insatiable, à la fois poète (il a fait paraître divers recueils de poésie) et linguiste, il était la définition que l’on peut se faire d’un humaniste. Polyglotte, il a su voyager dans le monde entier pour se nourrir de toutes les musiques, une passion qu’il a su partager en producteur radio (KNTU à Denton, Texas) et en artisan insatiable de nombreux disques. Ce sont ceux qui restent, malgré la tristesse.