Chronique

Didier Ithursarry Trio

Atea

Didier Ithursarry (acc), Joce Mienniel (fl), Pierre Durand (g) + Cuareim 4tet (guests)

Label / Distribution : LagunArte

Atea, en basque, c’est la porte. Didier Ithursarry la représente avec des bâtons barrés, à l’instar du décompte du temps que font les prisonniers. Pourtant l’accordéoniste ne s’enferme pas dans un genre, encore moins dans les imagiers qui courent sur son instrument. Ça, on le savait depuis qu’on l’entend avec Alban Darche ou Jean-Marie Machado. Et peut-être même davantage avec Kantuz, son album qui nous rappelait qu’il était un satané conteur d’histoires. Kantuz était un disque brûlant, de chair et de sang ; Atea est plus éthéré : la charge est plus légère… A côté de lui, on retrouve la guitare très travaillée de Pierre Durand et la flûte baladeuse de Joce Mienniel. De « Mali » à « Gobi », on voyage beaucoup et avec douceur. Rien n’est plaqué, tout est chargé d’envie.
 
La porte d’Atea a quelque propriété magique, ou du moins multidimensionnelle. Ainsi, toujours dans « Mali », la guitare mute en une sorte de balafon avant de prendre de l’épaisseur au contact de la flûte et de recouvrer sa puissance électrique comme un orage frappe le sol. Cependant la colère ne transpire pas d’une musique toujours joyeuse malgré la tension qui apparaît ça et là. Le jeu d’Ithursarry est placide et généreux. « Sherlock », qui se fait plus rêveur, en est l’exemple parfait : le velours de l’accordéon mène le trio aux confins de l’étrange, là où Durand règne en maître. Le chemin est tellement fluide que tout paraît naturel.
 
Mais c’est certainement avec la « Forrò Suite » que l’album prend toute sa puissance poétique, en compagnie du quartet à cordes mexicain Cuareim qui donne de nouvelles couleurs à la musique d’Ithursarry. L’arrangement de Geoffroy Tamisier, vieux compagnon de l’accordéoniste, est à la mesure de l’album, tout en élégance. Il parle d’ailleurs, une altérité qui paraît si proche qu’on peut la toucher et qui pourtant fait comme le tour du monde. Ithursarry a comme Mienniel la fibre d’un nomade, et ce n’est pas une petite porte qui l’arrête. Atea est mutin et onirique. De quoi passer de fameux moments.