Chronique

Diego Imbert Quartet

A l’ombre du saule pleureur

David El-Malek (ts), Alex Tassel (bugle), Diego Imbert (b, compositions), Franck Agulhon (dm), Vincent Artaud (dir)

Label / Distribution : Such Prod / Harmonia Mundi

Lorsque le chroniqueur reçoit un CD sous la direction artistique de Vincent Artaud, lui-même contrebassiste, compositeur et orchestrateur de paysages musicaux originaux [1] et que ce CD porte la signature d’un des musiciens les plus sollicités sur son instrument… et que de surcroît, la lecture des titres laisse entrevoir un climat de poésie (« La lente éclosion des étoiles »)… alors l’eau lui vient à la bouche avant que la musique n’envahisse ses oreilles.

Voici donc la nouvelle aventure phonographique de ce musicien dont les partenaires constituent à eux seuls une sorte de Livre d’or [2] Pour cela, il a choisi la formule dite « sans piano », donc sans solide base harmonique, mais avec des soufflants à la réputation bien assise et un batteur à sa hauteur (et quelle hauteur !) pour ce genre de pari (on se souvient d’antécédents prestigieux, dont Chet Baker/Gerry Mulligan, Don Cherry/Ornette Coleman…). Comme l’affirme Pascal Anquetil (qui n’écrit jamais pour ne rien dire) : “Cette musique n’a pas son pareil pour vaporiser autour de la silhouette mélodique de chaque thème une intense brume de chaleur, un halo de mystère.”

Il est très difficile d’énoncer d’autres considérations lorsqu’un confrère (estimable et estimé) a déjà exprimé ce qu’on avait soi-même envie d’écrire ; reste alors à souligner la richesse harmonique des compositions du contrebassiste, qui leur assure une bas(s)e solide dans le tempo (« La tournerie des drogueurs ») ou une évidente fluidité (« À l’ombre du saule pleureur »), toujours d’une musicalité parfaite, dynamisme et résonance (« Les fils »), vastes intervalles, le tout faisant penser à la fois à Paul Chambers (solo à l’archet sur « Mr OC) et à Pierre Michelot dans un contexte plus actuel (« Apodiktik » et « À l’ombre… ») [3].

Quant aux musiciens, on admire le velouté des sonorités enroulées, entrecroisées, amoureusement entrelacées - linéairement (« Le garde fou ») ou en contre-chants (« 78 tours » et « La lente éclosion des étoiles ») -, la rondeur du son d’Alex Tassel, vibrante sans vibrato (« Les dents qui poussent »), le rayonnement profond du timbre et le dévidement chatoyant du discours dans les interventions de David El-Malek. A souligner son évidente connivence avec un Franck Agulhon au « son » et drive remarquables.

Poésie, envoûtement, sortilège : un bon résumé de ces quatorze instants de musique d’aujourd’hui.

par Jacques Chesnel // Publié le 28 septembre 2009

[2Biréli Lagrène (Gipsy Trio), Sylvain Beuf (Another Building), André Ceccarelli (Le coq et la pendule), Aldo Romano (avec le pianiste Franck Avitabile)…

[3NB : À ceux qui me reprocheraient ce genre de comparaison, je répliquerai que si on m’assimilait à Scott Fitzgerald ou à Patrick Modiano, ça ne me déplairait pas… Il en va de même pour les musiciens.