Chronique

Diego Imbert

Tribute To Charlie Haden

Enrico Pieranunzi (p), Diego Imbert (b), André Ceccarelli (dms), Pierre Bertrand (arr)

Depuis la disparition de Charlie Haden, les hommages fleurissent, rappelant la place de choix que le contrebassiste occupait dans le jazz et dans le cœur de ceux qui l’aiment ou le jouent. Il convient, par respect pour les propositions musicales qui en découlent comme pour les musiciens qui en sont à l’origine, d’éviter la sempiternelle comparaison avec leur dédicataire. S’il est à ce point célébré, c’est avant tout parce que le grand Charlie était et restera unique.

Diego Imbert lui paye à son tour son tribut, avec une musique supposée non pas singer le maître, mais l’évoquer de manière personnelle. C’est donc avec ses propres codes que le contrebassiste a pensé ce répertoire, constitué de compositions originales comme de reprises de morceaux emblématiques de Haden ( « First Song », « Nightfall », « Silence ») ou de titres qu’il se plaisait à jouer, comme par exemple « Lennie’s Pennies », dont il enregistra une version il y a 25 ans en trio avec Billy Higgins et… Enrico Pieranunzi. Outre Higgins, il y eut parmi les binômes rythmiques les plus réguliers et durables Paul Motian ou Ed Blackwell, deux batteurs dont le jeu est riche en accidents. En conviant son partenaire André Ceccarelli, Diego Imbert, privilégiant par là même un drumming léger et régulier, prend le parti d’une musique plus plane qui favorise la mélodie et la rondeur. Une rondeur que les cordes polissent encore davantage, la musique évoquant de fait le Charlie Haden des albums sages : celui qui faisait si bien respirer ses lignes de basse aux côtés de John Taylor ou Pat Metheny, qui posait ses graves sur les tapis soyeux des arrangements plus que le jeune aventurier un peu fou ayant évolué aux côtés d’Ornette Coleman ou de Don Cherry.

Les arrangements de Pierre Bertrand sont imaginés pour apporter des textures au trio, et n’ont qu’épisodiquement une fonction structurelle. Le résultat est irréprochable d’un point de vue esthétique, mais on goûtera ou non le rendu de miel de la formation étendue. Les arrangements sont soignés et source d’émotion, mais ils privent parfois la musique de silence, entravent la respiration naturelle de l’interaction. Les plages enregistrées en trio sont tout aussi émouvantes mais semblent plus aérées, plus simples. L’idée d’alterner des phases orchestrées et d’autres plus minimales est judicieuse dans le sens où elle permet d’éviter la sensation de trop-plein, ce qu’illustre l’intelligence avec laquelle sont articulées les trois parties de « Liberation Suite », où alternent les effets d’ensemble et l’épure. L’adjonction de cordes à une petite formation n’est pas chose aisée, et cela fait rarement l’unanimité. Il appartiendra à chacun de se faire une opinion de la proposition de Pierre Bertrand, à qui l’on ne peut quoi qu’il en soit reprocher de n’avoir pas su servir le propos.

Si malgré tout les morceaux interprétés par le trio seul sont ceux qui retiennent l’attention, à commencer par l’interprétation sensuelle qui est donnée de « Nightfall », tout en lyrisme délicat, on ne peut que saluer la qualité de l’ensemble du programme, qui emporte sans peine l’auditeur tant il regorge de beaux déploiements mélodiques.

par Olivier Acosta // Publié le 10 décembre 2017
P.-S. :

L’ensemble consuit par Pierre Bertrand est constitué de : Johann Renard, Caroline Bugala (vln), Grégoire Korniluk, Paul Colomb (cello), Stéphane Chausse (cl), Anne-Cécile Culiot (fl), Ariane Bacquet (hb).