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Edition du 24 mars 2024 // Citizenjazz.com / ISSN 2102-5487

Les dépêches

Dupont T - « Spider’s Dance »

Communiqué :

En 2005, Hubert Dupont se lançait pour un troisième album sous son nom, dans un difficile exercice de contrebasse solo. Ultraboles (UBR 0501, dist. Nocturne) reçoit un très bel accueil de la presse et obtient du magazine Guitarist/bass, la distinction ‘Révélation 2005’. Pourtant même lorsqu’il s’agit de jouer ses propres compositions, l’homme ne peut s’empêcher de vouloir s’entourer de musiciens fidèles et prêts à tout pour donner vie à de nouvelles créations. Hubert Dupont est en effet un habitué des jeux de groupes, des effets de bandes… que ce soit au sein de Thôt, de Kartet, du Collectif Hask, d’Altissimo ou de Quoi de Neuf Docteur ?

C’est ainsi qu’il crée Dupont T en compagnie d’Yvan Robilliard, pianiste d’instinct, raffiné, double-lauréat du concours de Jazz de La Défense 2005 (catégories soliste et composition), et le batteur Chander Sardjoe, complice rythmique d’Hubert Dupont depuis plus d’une dizaine d’années, qui a notamment joué avec Steve Coleman, Dave Liebman, Mark Turner, Octurn et Aka Moon.

C’est aussi lui qui introduit, auprès d’Hubert, le saxophoniste new-yorkais Rudresh K. Mahanthappa, sans aucun doute l’une des plus belles sonorités de sax alto que l’on peut actuellement trouver, aussi bien par sa profondeur d’interprétation que par son phrasé saisissant. Il puise dans ses origines des outils rythmiques et mélodiques singuliers, qui ouvrent de nouvelles perspectives au jazz. Des couleurs qui parlent à Hubert puisque ce bricoleur de talent a toujours été passionné par la grammaire de la musique indienne, qui lui permet également de créer ses propres outils et faire ainsi surgir des improvisations aux règles du jeu énigmatiques.

Suivre le fil de l’araignée…

Les Trois Mousquetaires de Dupont T, à quatre comme il se doit, se retrouvent en novembre 2006 auprès de Sylvain Thévenard, à La Muse en Circuit, en banlieue parisienne, pour donner vie à un premier album à la cohésion remarquable. Spider’s Dance permet de découvrir non pas un simple quartet mais bel et bien un groupe vivifiant, qui tisse sa toile musicale parfois de manière épileptique mais toujours fort à propos.

Car Hubert aime construire des concepts polyrythmiques, qui comme en mécanique demandent certes un peu de réflexion mais surtout de mettre les mains dans le cambouis, de transpirer sous l’effort. Il crée des harmonies-mélodies aux couleurs nouvelles, des contraintes que le groupe tourne toujours à son avantage. Il s’agit surtout pour lui de proposer un décor plutôt que des obligations, des carcans. Tout cela reste un jeu et beaucoup de plaisir, chacun pouvant ainsi laisser libre cours à son talent d’improvisateur.

Ici des accords non conventionnels, là plusieurs couches rythmiques sur un cycle de 13 temps (« Orientable »), un peu de syntaxe indienne (« Douj », « Possib »), une dose de rythmique congolaise (« Moundélé »), deux-trois zestes de complexité ou un étrange hommage au « Ladies in Mercedes » de Steve Swallow (« Ladies on Board ») et Rudresh peut saupoudrer le tout de ses épices, sans contraintes, ni complexe. C’est le cas par exemple sur Irid où celui-ci se retrouve en dehors des traditionnels douze demi-tons dans lesquels le reste du groupe évolue. Une poésie qui ne l’empêche pas de se dévoiler également très brut(e) dans « 1010 », bref et seul morceau de sa composition.

Ballerine fantaisiste, l’araignée de Dupont T s’envoie en l’air. Une acrobate délurée, funambule dont la danse suspendue est riche en émotions. Au risque d’y laisser une patte notamment dès l’ouverture avec « Spiders » et « Mais presque » dont on ne comprend pas très bien le fonctionnement (mais ceci est-il bien nécessaire ?), elle nous entraîne dans des mondes où tout se balance, tout s’agite, tout convulse. Une musique qui sort des sentiers battus et après laquelle on court… même les genoux égratignés.

Un parfait sentiment de « libère T » !