Chronique

EL4CTRIC

EL4CTRIC

Stéphane Escoms (p, kb, comp), Eran Har Even (g, comp), Claire « Chookie » Jack (elb), Jérôme Spieldenner (dms) + Gerhard Ornig (tp), Franck Wolf (sax).

Label / Distribution : Autoproduction

En passant par la Lorraine, une fois encore… Vous y croiserez sans doute le chemin de Stéphane Escoms, pianiste et compositeur originaire de Saint-Dié des Vosges. Voilà un musicien très actif dont le trio a déjà publié quatre albums, au premier rang desquels les deux versions – la seconde bénéficiant du concours de l’Orchestre Symphonique de Saint-Dié – de Pepita Greus. La musique de ce disque avait été inspirée comme souvent chez lui par le voyage, et s’apparentait, avec ses pasodobles, à un retour vers les souvenirs de son enfance dans la région de Valence en Espagne, dont une partie de sa famille est originaire. On ne saurait que trop vous recommander de prêter une oreille attentive à ses charmes tendres, un brin nostalgiques.

Avec EL4CTRIC, qui fut d’abord un trio, le pianiste ancre son propos dans un langage beaucoup plus contemporain, celui d’un jazz-rock d’une grande fluidité – c’est là un raccourci sans doute réducteur mais qui situera en quelques mots le climat de l’album – dont le lyrisme tient pour beaucoup à l’empreinte mélodique très persistante des compositions. Escoms les signe toutes, à l’exception d’une seule confiée au guitariste israélien Eran Har Even. Une belle découverte que ce dernier, soit dit en passant, dont le jeu à la fois lumineux et puissant, juste saturé comme il le faut, vient se glisser au cœur du chant des mélodies tissées par Escoms. On peut évoquer, en ce qui le concerne, une filiation avec un musicien tel que le regretté Allan Holdsworth. Pour porter ce duo de « chanteurs », une rythmique qui sait être d’une présence constante sans jamais être pesante. Bien au contraire, sa souplesse est de celles qu’on qualifiera de féline : Claire « Chookie » Jack à la basse électrique et Jérôme Spieldenner à la batterie.

Les thèmes sont immédiatement accrocheurs. Ainsi « Out Of Sight, Out Of Mind », aux accents nostalgiques typiques de l’idiome de Stéphane Escoms. Parfois, on les reconnaît : tel ce « Benimodo » déjà présent sur Pepita Greus qui présente ici d’autres couleurs, aussi tendres que sur la précédente version, mais qui seraient cette fois celles qu’offre un paysage plus vaste, plus aérien. Les premières minutes de « Winners Of The Cosmic Lottery », signée Eran Har Even, ne sont pas sans rappeler l’École de Canterbury et des groupes tels que Hatfield & The North ou National Health, avec sa subtile intrication piano-guitare. Une complicité qui semble jubiler au cœur de « Swang » et son swing limpide. « New Times New Forms » est entêtant. On notera aussi trois courtes compositions baptisées « Interlude », comme autant de pistes possibles à creuser et d’effets sonores à distiller çà et là.

Fluidité certes, mais énergie aussi, nourrie parfois d’une inspiration du côté du funk, comme sur « Pick-A-Boo » ou « Tax Affair ». Surtout lorsque les deux invités du disque, Franck Wolf au saxophone et Gerhard Ornig à la trompette, viennent conjuguer leurs souffles aux élans du quartet. On a dû écouter le Miles Davis des années 80, assurément, ce que nul ne reprochera aux musiciens.

Tout cela sonne décidément très bien : EL4CTRIC est un disque qui vient souffler sur cette rentrée une brise bienfaisante. Notre époque nous donne souvent à respirer un air par trop vicié : sachez que celui de Stéphane Escoms et ses partenaires est de ceux qui vous requinquent. Vous garderez en tête les mélodies de ce jazz délicatement électrique longtemps après les avoir écoutées.