Chronique

Electro Deluxe Big Band

Live In Paris

Thomas Faure (ts, arr, dir), Gaël Cadoux (kb), Jeremy Coke (b) , Vincent Payen (tp), Arnaud Renaville (dms), James Copley (voc).

Electro Deluxe a soufflé dignement ses dix bougies le 18 octobre 2011 devant un Alhambra archicomble. Souffler : tel est bien le mot, puisqu’à cette occasion, le groupe s’est étoffé d’un Big Band complice, renouvelant en cela une première expérience réussie quelques mois plus tôt au New Morning à Paris. Ce double CD – qui inclut six vidéos en noir en blanc reflétant fidèlement l’ambiance festive qui régnait ce soir-là – constitue un témoignage précieux d’une soirée de musique dont la force est bien celle de l’énergie vitale de ses influences. Elles aussi soufflent très fort sur le feu de la musique.

En effet, Electro Deluxe s’est avidement nourri de soul music et de l’esprit de la Motown (comment ne pas penser à James Brown, Otis Redding ou Stevie Wonder à l’écoute de « Where Is The Love », « Old Stuff » ou « Talking About Good Love » ?), tout en élargissant le champ de ses possibles au jazz et à l’approche funk d’un Herbie Hancock. Plus près de nous, les couleurs sont également urbaines quand hip hop et rap viennent s’inviter dans cette parade heureuse. On parle parfois, à propos de ce groupe, d’électro-jazz ou de nu-jazz, ce qui finalement ne signifie pas grand-chose, mis à part le fait que le recours à l’électronique et aux samples est ici une composante première de la musique. Mais ce groupe est avant tout une machine à groove, un système généreux et plutôt irrésistible. Il a publié trois albums : Stardown (2005), Hopeful (2007) et Play (2010), où un certain nombre de visiteurs prestigieux, cerises sur un gâteau déjà assez appétissant, sont venus pointer le bout de leur nez talentueux. Si la colonne vertébrale d’Electro Deluxe est constituée d’un sextet : Thomas Faure (saxophone ténor, arrangements, direction), Gaël Cadoux (claviers), Jeremy Coke (basse), Arnaud Renaville (batterie), James Copley (chant) et Vincent Payen (trompette) [1], on n’oubliera pas que des artistes tels que Guillaume Poncelet, Philippe Sellam, Christophe Panzani, Flavio Boltro, Didier Lockwood ou Ben l’Oncle Soul ont participé à l’aventure.

Live In Paris [2] puise abondamment dans le répertoire des trois albums et plus particulièrement du dernier, mais vient s’ajouter ici une dimension nouvelle : une démesure explosive qui fait sa singularité. Celle-ci se traduit par le lever soudain du rideau noir qui occultait la moitié de la scène, découvrant avec faste une armée de furieux soufflants - cinq saxophones, quatre trombones et quatre trompettes, excusez du peu - cravatés et vêtus de blanc [3]. Ces virtuoses étaient venus provoquer l’incendie : mission accomplie, en toute complicité avec quelques amis de passage : HKB FiNN, 20Syl (membre de Hocus Pocus), Nyr ou Opé Smith… Tous ont transpiré leur musique pendant deux heures, en la faisant ruisseler jusqu’au bout de leur enthousiasme. Le souvenir des mines réjouies à la sortie de ce concert enflammé prouve que le pari de Thomas Faure et de sa bande est largement gagné.

Car dans ce sacré Big Band, le déferlement qui ne s’évanouit qu’avec la dernière note balaie tout sur son passage pour une tempête black and bitter que les spectateurs (également acteurs à leur manière) ne sont pas près d’oublier. Plus charismatique que jamais, James Copley est le pyromane qui met le feu à la salle, en véritable showman formé au chant dans les églises baptistes de son enfance, guetté du coin d’un œil satisfait par un Thomas qui a Faure à faire avec la direction au cordeau de son Big Band impétueux. Autant dire que les autres camarades de jeu n’ont pas le loisir d’admirer le spectacle, mais plutôt la responsabilité de propulser et faire vrombir le vaisseau ! Arnaud Renaville et Jeremy Coke maintiennent fermement le cap de la rythmique pendant que Gaël Cadoux virevolte sur des claviers tantôt caressés tantôt martelés : tous répondent présents à l’appel du groove, dans le respect d’un impératif absolu auquel ils se soumettent bien volontiers : « Let’s Go To Work » ! Côté soufflants, on relève aussi plusieurs chorus scintillants qui ajoutent au plaisir simple d’une musique vivante et inspirée l’idée d’une liberté à conquérir.

Disons-le en toute simplicité, cet Electro Deluxe Big Band est séduisant parce qu’il exsude la jubilation. Sa musique, à la fois rigoureuse et d’essence populaire, d’une sincérité éprouvée et orchestrée avec un soin maniaque par ses géniteurs, possède beaucoup d’atouts – notamment la capacité à unir de nombreux publics - qui devraient lui valoir une renommée encore plus large. Avis aux programmateurs de festivals : voilà de quoi soulever les salles !

P.S. :

Les musiciens du Big Band

Cyril Dumeaux, Christophe Allemand, Pierre Desassis, David Fettmann et Olivier Bernard (saxophones) ; Vincent Payen, Mathieu Haage, Anthony Caillet et Benjamin Belloir (trompette) ; Jean Crozat, Nicolas Grymonprez, Bertrand Luzignant et Jérôme Berthelot (trombone).

par Denis Desassis // Publié le 21 mai 2012

[1Ce dernier étant ici présent dans le Big Band.

[2Stardown/Musicast.

[3L’auteur de ces lignes se doit de préciser ici par honnêteté la présence dans le Big Band de son fils, qui de plus s’illustre dans un chorus au saxophone soprano sur « Point G ». Cette parenté n’explique pas à elle seule le plaisir pris à l’écoute du disque, elle ne fait que le renforcer…