Chronique

Eric Mingus and Catherine Sikora

Chrysalis

Eric Mingus (voc, b, g), Catherine Sikora (ts, ss)

Label / Distribution : Autoproduction

Eric Mingus et Catherine Sikora forment un duo qui n’est pas né d’hier. Leur premier enregistrement remonte à 2007, et n’est paru qu’en 2015 sous le nom de Clockwork Mercury, un album auto-produit, tiré du poème de Bernard O’Donoghue, « Silverfish ».

Ce deuxième disque du duo puise cette fois son inspiration dans le monde éphémère des papillons. Plus particulièrement dans les travaux de Vladimir Nabokov sur les lépidoptères. Car outre l’écriture de romans, l’aristocrate russe vouait une passion aux papillons qu’il ne manquait pas d’épingler sur des plaques cartonnées dès que l’occasion se présentait. Il est d’ailleurs à noter qu’il avait d’abord étudié l’ichtyologie avant de se rabattre sur la littérature et les papillons.

Le duo suit donc un peu le même cheminement que Nabokov en passant du poisson au papillon. C’est la fragilité de ce dernier, sa légèreté, sa beauté, mais aussi sa capacité à se métamorphoser et à migrer sur de grandes distances, qui sont ici le cœur du propos. Mais aussi le prétexte à une musique dépouillée, minimaliste, qui dépeint un monde d’une force vitale peu imaginable, un monde si minuscule qu’il en devient parallèle. Pour soutenir sa voix puissante et le souffle volatile de Catherine Sikora, Eric Mingus gratte littéralement les cordes d’une basse ou d’une guitare et en sort des sonorités qu’on croirait émanées d’une armée de coléoptères. Alternant des thèmes écrits et des dialogues improvisés, le duo invente un langage qu’il utilise pour communiquer son imaginaire.

Le titre « Inside the Chrysalis » nous surprend lorsque les voix d’Eric Mingus, tel un mantra, nous plongent dans le souvenir d’un autre Mingus, et d’un morceau qui s’appelait « Freedom ». On retrouve la touche inclassable d’Eric Mingus, trop méconnue et probablement sous-estimée, surement parce que cet artiste ne cherche ni la facilité ni à profiter de son nom. On reconnait son approche de la composition, cette aptitude à un blues cabossé, où la mélodie est portée par une voix qui transmet des émotions profondes, avec une forte dimension spirituelle.

Le musicien avance à travers une œuvre contemporaine, qui pourrait facilement se conjuguer au pluriel de l’art abstrait. Sa collaboration avec Catherine Sikora, au jeu de saxophone virevoltant, fonctionne à merveille et témoigne de l’évidence d’une belle rencontre, que le temps a embelli.

par Raphaël Benoit // Publié le 31 mai 2020
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