Chronique

Ernst Reijseger

Tell Me Everything

Ernst Reijseger, violoncelle

Label / Distribution : Winter & Winter/Harmonia Mundi

Des piaillements d’oiseaux, quelques notes pincées avec parcimonie, autant de pas qui ouvrent la marche et invitent à les suivre… Voici un chemin sonore qui s’offre à nous.

Ernst Reijseger a enregistré Tell Me Everything dans une église toscane avec son violoncelle, les oiseaux et le silence. Tout au long de la promenade, les pièces se suivent et ne ressemblent pas. L’instrument prolonge les émotions de son maître : il tape, frotte, grince, virevolte, percute, arrache. C’est un tableau impressionniste, puis une danse aux accents blues, la minute d’après un poème, enfin une lamentation à l’archet.

Connu pour avoir réalisé les musiques de plusieurs films de Werner Herzog, Reijseger a joué tant avec des musiciens de jazz qu’avec des percussionnistes africains, aussi bien en groupe qu’en solo. Né en 1954, ce Néerlandais à la réputation d’ « inclassable » multiplie les expériences variées ; cette fois c’est un solo enregistré en avril 2008 avec deux micros à tubes datant d’une cinquantaine d’années, dans l’église ancestrale d’un trou perdu. La Commenda di San Eufrosino, à Volpaia, a été choisie pour ses qualités sonores : les sons créent une bulle qui vous enveloppe et vous emporte loin dans vos pensées. Tell Me Everything est un arrêt dans le temps et l’espace, une aube éternelle où les oiseaux viennent boire.

Tout à coup on se réveille, le ton a changé. D’un « Moby’s Night Out » onirique, qui emplit l’église et la tête, on est passé à un « Falsetto » aigu où l’archet crisse et glisse sur les cordes du violoncelle. Suit « Dancing for D » qui apporte une légèreté inattendue et rafraîchissante. Écrit à l’origine pour une troupe de danse hollandaise, le morceau sautille, se déploie en relief sur une mélodie simple et gaie. Reijseger surprend en mélangeant les tons et les timbres, les rythmes et les styles ; il ne tombe jamais dans la monotonie, malgré un grand dépouillement sonore. Les notes semblent toutes nues dans un espace immense ; pourtant elles s’imposent d’elles-mêmes, comme si ce qui est dit ici n’aurait pu l’être autrement.

De l’archet classique aux compositions les plus contemporaines, de l’impressionnisme abstrait aux thèmes simples et fluides, du dépouillement total aux mélodies les plus chantantes, artiste et instrument racontent une histoire avec vivacité – avec vie, tout court.