Tribune

Erroll sur la personne

E-nepties et déraisons : Erroll Garner


Erroll Garner. Cas d’école (primaire… l’école, plus que le cas). Il y a longtemps, a long time ago, d’une oreille plus que distraite, j’ai entendu (écouté serait mensonger) je ne sais quoi de lui et immédiatement je l’ai catalogué, étiqueté dans le genre piano-bar, pianiste d’hôtel à prétention du genre à vouloir péter plus haut que leur cul en offrant (c’est compris dans le forfait qui, lui, n’a rien d’offert !) à leur clientèle le plaisir un rien canaille, un rien cultivé, de siroter, de blablater en musique sans se sentir dérangé et encore moins agressé ou violenté.

Le pianiste sur lequel on décide de tirer sans sommation dans les polars d’une série à sa couleur. Je l’ai donc tout de suite vomi, puis honni, avant de le caser dédaigneusement dans le dossier oubli de ce fourre-tout qui me sert de mémoire (j’avais même décidé qu’il était blanc, c’est dire l’ampleur de mon mépris d’alors !). C’est fou comme je fais ça facilement, sans réel discernement, avec des a priori aussi définitifs et vigoureusement clamés que peu fondés.

Or voilà qu’il y a peu, hace poco, j’ai lu quelque part quelque chose de plutôt flatteur sur ce pianiste accompagné de la référence de concerts baptisés By the Sea. Tiens ! Comme mon cœur est quelque peu fantasque depuis plus d’un an, je prends ma tension avec aussi peu de régularité que ses battements, (latidos, c’est plus joli) avec une période de repos de 10 à 15 minutes préalables à la prise. Ces derniers temps, ce repos se fait au son et au rythme de ces enregistrements. Ma tension s’en félicite et sans crier au miracle du clavier, n’exagérons rien, je dois bien reconnaître que son phrasé et son assurance tranquille sur un certain nombre de standards visités et revisités n’a rien de déplaisant, c’est-à-dire qu’en fait il est très plaisant et réussit à ce que je lui dédie une oreille attentive car son interprétation chatouillasse (cette sensation ambiguë où se mêlent convulsivement plaisir et exaspération) mon pavillon (auditif, pas de meulière banlieusarde) dans le sens des poils qui tapissent son entrée.
Ça fait le plus grand bien ; je l’en remercie.