Chronique

Etranges primitifs

Moine, sorcier, bijoutier

Jean-Luc Peilhon (cl, bcl, guimbardes, harm, perc), Pierre-Yves Voisin (fl, guembri, guimbardes, perc), Fred Meyer (g), Mitsouko (koto), Massoud Raonaq (voc, tampura), Manu Vallognes (b)

Label / Distribution : Autoproduction

Compagnon de route de l’ARFI depuis plusieurs années, Pierre-Yves Voisin forme avec le clarinettiste Jean-Luc Peilhon un duo atypique qui se plaît à faire du voyage un cap musical. Les Etranges primitifs utilisent donc toutes sortes de flûtes et de guimbardes, d’harmonicas et de percussions pour nous entraîner dans une musique populaire et cosmopolite. Si le folklore ici n’est pas imaginaire, mais inscrit dans une tradition - « Roku Down, ni Up », par exemple, est une relecture d’un traditionnel japonais -, les cartes les plus précises proposent les itinéraires les plus fous ; ainsi au koto de Mitsouko, une des multiples invitées de ce Moine, sorcier, bijoutier, se confrontent des tablas qui nous ramènent vers une Inde mythique comme d’autres chemins mènent à Rome.

Il y a dans tous ces assemblages a priori improbables une alchimie troublante mais sans noirceur. L’Asie est la matrice de ces Etranges primitifs, un point départ et un horizon mystique tout à la fois. Le contemplatif « Jour de marché à Jaïpur », où le chant et la tempura de Massoud Raonaq invoquent l’esprit de Nusrat Fateh Ali Khan, est en quelque sorte le carnet de voyage de deux musiciens de l’errance. Sur ces chemins tortueux ou la Route des Epices se plaît à s’inventer des détours par la route de la Soie, les instruments traditionnels (flûtes alghoza du Rajasthan, tambour mongol, etc.) maîtrisés par le duo se marient à merveille avec les univers apportés par ses invités.

La basse fretless de Manu Vallognes et la guitare de Fred Meyer (Cf Libre(s) Ensemble) sur « Pinyin et bayan » rappellent que le jazz est langage d’universalité - ici, la rencontre entre l’électricité et la musique organique unit les traditions chinoises et indiennes. On songe de loin en loin aux Voix d’Itxassou pour les harmonies disparates, notamment lorsque des rythmiques gnawa viennent caresser la clarinette basse de Peilhon sur le très beau « Dhow ». Si le territoire de ces deux Etranges primitifs est parfois difficile à délimiter, leur carte chamarrée n’appelle qu’un désir : celui de l’exploration en bonne compagnie.