Evan Christopher

Tiens, il n’y a pas « Petite Fleur » ? Il fallait oser. Et même, proposer une relecture de quelques standards du gentleman voyou Sidney Bechet, qui jouait du saxophone soprano avec une rage de vivre sans commune mesure, en mettant en avant une clarinette, c’est sacrément gonflé - d’autant plus que le sens commun associe souvent le « bâton de réglisse » au génial néo-orléanais. Sans doute conscient du risque, le clarinettiste Evan Christopher, originaire de la même ville et de plus en plus sollicité dans l’Hexagone, déploie des trésors d’expressivité à l’anche douce, tout en laissant à ses jeunes compères du groupe « Three Blind Mice » toute latitude pour actualiser quelques perles du répertoire « béchettien » - en plus ils se sont adjoint les services d’un batteur qui connaît son rayon question « vieux style ».
Le leader sait ainsi s’éclipser derrière le talent d’un Malo Mazurié, flamboyant trompettiste à qui il laisse le soin de prendre le thème sur « Si tu vois ma mère », traité ici en trois temps, monument trop souvent dédaigné - même Brad Mehldau le reprend pourtant - : là, il se contente d’un contrepoint sublime et nous ravit, dans tous les sens du terme, par la même occasion. A la guitare, l’Aixois Félix Hunot déroule un time subtil et imparable, quand il n’allume pas quelque étincelle électrique. Le disque renoue avec la verve de celui sans qui beaucoup d’entre nous ne seraient pas là - pensez à vos parents ou vos grands-parents qui ont pu se rencontrer en dansant sur « Dans les rues d’Antibes » - ici traité de façon délicieusement foutraque, entre marching band et rock’n’roll archaïque ! Le sens profond des mélodies créoles et leur groove éternel en ressortent magnifiés.