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Edition du 23 avril 2024 // Citizenjazz.com / ISSN 2102-5487

Les dépêches

Fort en Jazz 2011 s’annonce…

Revoici Fort en Jazz, festival poussé aux portes de Lyon mais qui, comme A Vaulx Jazz et Jazz à Vienne, a pris soin de rester et de prospérer en banlieue.

Un festival sans complexes, malgré la proximité de Vienne, et qui, avec un budget limité, of course, dresse une affiche attirante, entre grands ensembles, artistes reconnus, jazz classique et alternatif, le tout saupoudré d’un peu de klezmer, de soul, de funk électro, avec beaucoup de collectifs décapants, et pour finir avec David Murray - sur les pas de Nat King Cole - et China Moses, voix de velours alanguie sur trio de jazz.

Première surprise de cette édition, l’ARFI en costume « quartet » pour une expérience hors du commun et à l’issue incertaine : « A la Vie, à la Mort » en est le titre. Jean Méreu et ses comparses tentent ce soir-là de mettre en musique et de faire parler en « live » un tableau des plus célèbres et des plus énigmatiques : Le triomphe de la Mort de Pierre Brueghel. Si elle n’est pas inédite, l’initiative est ici riche de promesses en posant crûment la question : et si la dimension sonore permettait d’approfondir la perception et de faciliter la compréhension ultime de cette toile entre réel et délire, entre rude réalité et éternité sublimée ? Le tableau rassemblant, comme souvent chez ce peintre, une multitude de scènes qui viennent s’emboîter sous nos yeux, il s’agira avec l’ARFI de ne pas perdre le fil de la lecture. Qu’il s’agisse des instruments, de l’écriture ou des interprétations musicales, tout a été dicté par le tableau lui-même, expliquait récemment Jean Méreu en présentant le projet. Reste à savoir, ou à vérifier, si, comme le souhaite l’ARFI, tableau et musique s’enrichissent de cette mise en commun, 400 ans après, d’un art pictural « alternatif » avant la lettre et d’un art musical qui n’a jamais rien renié des traditions dont il est le fruit métamorphosé (samedi 11 juin).

L’ARFI n’est pas le seul collectif à taquiner Fort en Jazz - Bigre !, le grand orchestre du Grolektif, est aussi de la partie. Avec ses 19 musiciens placés sous la trompette de Félicien Bouchot, Bigre ! n’hésite pas à revoir l’art du big band en y ajoutant ses couleurs propres, des allers et venues qui marquent les thèmes d’une empreinte spécifique. L’orchestre devrait largement reprendre Tohu Bohu, son dernier disque, où les musiciens s’en donnent à cœur joie pour déconstruire et réinventer le rôle de chacun. Comme les Intermuttants du Spectral ou Bam Bam, la récréation du jeudi 9.

Après la tempête, la détente délicate ? Giovanni Mirabassi en trio terminera la soirée. Ce maître du clavier sait multiplier les effets et construire des thèmes plus complexes qu’il n’y paraît où il aime s’aventurer avec spontanéité.

Autre soirée placée sous le sceau des Collectifs régionaux, celle de Collective New Dreams, au cours de laquelle Imuzzic et le Grolektif invitent Quinsin Nachoff, sax-compositeur canadien extrêmement inventif (le 17/06). On retrouvera pour l’occasion Bruno Tocanne, Rémy Gaudillat et quelques autres pour. Au programme, des compositions des uns et des autres, véritable réunion des inspirations, poussée par Jazz en Rhône Alpes.

A retenir parmi les invités à découvrir : le Bastien Brison Trio, un très jeune homme au piano, escorté d’Andy Barron (dr) et de Brice Berrerd (cb). Il s’agira d’une toute première rencontre avec ce pianiste débarqué de Châlon-sur-Saône il y a peu et qui a mobilisé à ses côtés deux belles pointures.

A retenir aussi trois grandes affiches de musiciens habitués de Fort en Jazz : Nguyên Lê poursuit sa relecture très électrique d’un patrimoine oscillant entre rock, jazz et psychédélisme (15/06). Eric Truffaz, qui multiplie lui aussi les incursions aux frontières du jazz (on se souvient de son pas de deux avec Christophe à Vienne) revient à Francheville dans un quartet plus orthodoxe avec Benoït Corboz, claviers, Marcelo Giulliani, basse, et Marc Erbetta, batterie (le 10/06 ). Puis tard Laurent De Wilde sera de retour avec Otisto 23 pour une performance électro. Ce talentueux pianiste au très long CV, leader ou sideman, explore depuis près d’une décennie, les démultiplications multiples que l’ordinateur offre à la musique improvisée.

Fort en Jazz fera enfin la part belle à deux têtes affiches à même de boucler dignement cette 22ème édition sur un tempo rythmé et grand public. Tout d’abord, David Murray et son Cuban Ensemble revisiteront Nat King Cole, crooner suave et désormais « retour de passé de mode ». Pour la circonstance, Murray, tombé il y a une dizaine d’années dans la musique cubaine, s’est bien entouré - cuivres, rythmique, percussions - pour faire (re)découvrir tout un répertoire (17/06). Ce show n’a rien d’anodin : il signe comme un retour des mélodies répandues mais précieuses que sut ajouter, thème après thème, Nat King Cole, au point de les établir comme patrimoine commun à tous.

Le lendemain, pour conclure le festival, China Moses en récital escorté d’un piano-basse-batterie, emmené par Raphaël Lemonnier. L’association de ces deux musiciens a déjà produit un disque ; Fort en Jazz sera l’occasion de découvrir le deuxième, où la jeune femme rend hommage, cette fois, aux chanteuses qui ont marqué l’histoire du blues.

P.-S. :

Concerts chaque soir à 20h30. Les vendredis 11 et 17 juin à 19h15, pré-concert de Mario Stanchev (piano). A l’Iris de Francheville.