Chronique

Francesco Guerri

Su Mimmi non si spara !

Francesco Guerri (cello, elec, fx)

Label / Distribution : RareNoise Records

Le solo de violoncelle, dans un contexte de musique improvisée, a ses modèles et ses canons, et c’est Didier Petit qui en détient les mèches ; mais le violoncelle en lui-même est un instrument qui a ses références : Rostropovitch et Bach, Chostakovitch et ses concertos… Des sentiers plus ou moins balisés. Francesco Guerri se place davantage sous l’égide du second, même si « Lucy », l’ouverture de son solo Su Mimmi non si spara a la langueur hors du temps chère au premier. Peut-on encore créer la surprise dans un tel exercice ? Il semble que oui.

Dans sa bio le violoncelliste italien, connu pour travailler depuis longtemps pour le théâtre ou la danse, raconte que du conservatoire, il a subtilisé Chosta et s’est barré en courant. On croit davantage à la formule lorsqu’on entend la virtuosité ombrageuse de « Ciacco », parce que le conservatoire l’a manifestement bien formé, et durablement… La principale certitude de cet album paru chez Rare Noise, c’est le goût pour la narration et les ambiances torrides et sépulcrales. Le voyage d’archet et de corde est un dédale jonché d’objets et d’électronique sommaire. Ainsi « Medusa », qui se construit sur un bourdon et opte pour le déplacement impavide et aléatoire des bêtes urticantes. Ailleurs, « Paper » fait vibrer les cordes obstruées de papier et sonne comme une lutte inquiétante et désespérée. C’est un sentiment qui traverse le disque et le rend assez magnétique.

Francesco Guerri nous emmène dans son univers, dense et parfois franchement inquiétant, comme ce grouillement entêtant qui grince dans « AFK ». La ville sur la pochette est en flammes, mais l’atmosphère du disque est post-chaotique, comme une nouvelle respiration. On le suit donc avec davantage d’enthousiasme que de crainte, notamment lorsque l’archet bondit dans une rythmique nerveuse (« Mimmi Resisti », pleine d’une fougue soudaine). Le violoncelle est peut-être plus distant, moins incarné et plus convenu que celui de Didier Petit. Mais on est captivé par son récit et l’approche, empreinte de classique, de son auteur.

par Franpi Barriaux // Publié le 27 septembre 2020
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