Chronique

Franck Amsallem

Franck Amsallem Sings

Franck Amsallem (p, voc)

Label / Distribution : FRAM

Agréable surprise que d’entendre Franck Amsallem chanter, d’autant que son choix s’est porté sur ce qu’il y a aujourd’hui de plus délicat à interpréter : les standards. Le pianiste a donc osé s’aventurer sur ces terres voisines quoique périlleuses quand on est musicien. Faisons confiance au producteur Yvinek qui a eu raison, là encore, de soutenir ce projet audacieux : les musiciens qui chantent ont un petit « plus » et on sent vraiment quelque chose de touchant, d’authentique dans cette démarche, une honnêteté dans la restitution de la ligne mélodique, surtout quand on sait la chanter tout en jouant du piano.

Glissez donc Franck Amsallem Sings dans la platine, vous laisserez filer les douze titres jusqu’au bout ; non seulement notre pianiste a une jolie voix, chaude, assurée, mais il chante avec expression et sans fioritures, sans les raffinements d’un David Linx par exemple : timbre clair, phrasé très net, énonciation parfaite [1]… Le plus fort est qu’on ne pense pas, en l’écoutant, aux voix qui hantent la mémoire collective du jazz, et c’est un sacré compliment. Les chanteurs actuels ont tendance - pour se différencier, justement -, à étirer, distendre, infléchir le phrasé. A bouleverser le sens. Ce n’est pas le cas d’Amsallem qui donne fidèlement à entendre ce que lui inspire la chanson.

Mais à ce propos, comment a-t-il procédé pour le choix du répertoire ? Il y a là du désir amoureux. La sélection s’est opérée en grande partie sur les paroles et leur pouvoir d’évocation. Car toutes les chansons ne sont pas égales dans ce domaine, la mélodie devant « porter », suivre une ligne qui sied au duo piano-voix, comme sur « The Song Is You ». Amsallem parvient à nous faire partager son émotion avec une maîtrise qui n’exclut pas la prise de risque, les espaces incertains où la fragilité s’installe. On aime toutes ses reprises au swing léger, jamais entêtant : « I Concentrate on You », « I’m Thru with Love », « Dream », « But Beautiful » avec une préférence (toute personnelle) pour le délicatement triste « I Get Along Without You Very Well ».

Sans nostalgie, mais agréablement intemporel, Franck Amsallem a réussi son pari : s’approprier un répertoire délibérément dense. A une époque où une Diana Krall obtient beaucoup de suffrages, pourquoi ne pas reconnaître la grâce toute simple de ces mélodies du cœur ? Prenons le temps d’écouter ce disque élégant, à la musique sensible sans sensiblerie. Sans oublier le final superbe, absolument solitaire, d’“In the Wee Small Hours of the Morning”.

par Sophie Chambon // Publié le 22 mars 2010

[1Il a passé vingt ans aux Etats-Unis et cela s’entend… d’ailleurs quand il étudiait à Berklee, il a suivi des cours de chant, preuve que ça le titillait déjà.