Chronique

François Théberge with Lee Konitz

Soliloque

François Théberge (ts, mélody sax, fl), Lee Konitz (as, ss), Jerry Edwards (tb), Stéphane Belmondo (tp, bg), Alan Jones (dm), Paul Imm (cb), Michael Felberbaum (g), Michel Côté (clb, maïkotron), Claudia Solal (vc), Meta (vc), Richard Lalonde (bs), Bastien Still (tba)

Label / Distribution : Cristal Records

Voilà bien un disque cool, voire un disque hyper cool. Il est si cool ce disque-là que l’on pourrait facilement titrer à la manière des journalistes, « The Rebirth of the Cool » tant cet album nous renvoie aux célèbres arrangements et orchestrations que Gil Evans signait en 47 pour Miles Davis. On y trouve le même tramage des cuivres, le même art subtil du contrepoint et, puisque Lee Konitz est de la partie, les mêmes thèmes tristaniens.

L’altiste signe d’ailleurs trois compositions sur huit, François Théberge apportant les autres. C’est dire si l’on a affaire à une écriture particulièrement travaillée et soignée, basée sur des systèmes de paliers harmoniques où il est autant question de jouer ensemble que de mettre en valeur de très grands solistes, au rang desquels Stéphane Belmondo, qui s’impose magnifiquement, ou encore Jerry Edwards, assez chtarbé pour jouer à fond de son growl et apporter ainsi un petit grain de folie délicieusement décalé.

Dans cette façon de construire la musique il y a toujours le sens du blues, du « down tempo » qui se situe au fond du temps dans une sorte de maîtrise de l’espace, des respir’ et du son. Les voix sont utilisées comme des instruments évanescents, comme une sorte de flottement au-dessus, au-dessous et finalement au milieu des instruments. Cette écriture riche est aussi un moyen de mettre en valeur son complice de toujours, Lee Konitz, pour qui cette musique semble avoir été écrite. Konitz y trouve des habits parfaitement à sa mesure et doit se sentir rajeunir de plusieurs dizaines d’années.

Mais au delà de l’analogie avec l’œuvre de Gil Evans c’est aussi l’histoire du jazz qui affleure dans ce qui pourrait bien s’assimiler à une sorte de manifeste d’écriture telle qu’elle s’entendait il n’y a pas si longtemps dans les arcanes de la classe de jazz du CSNM que Théberge dirigeait encore il y a peu. Et c’est en grand maître que ce dernier nous dispene à nous tous une sorte de magistrale leçon de jazz…