Chronique

Fred Hersch

Breath by breath

Fred Hersch (p), Drew Gress (b), Joechen Rueckert (dm)

Label / Distribution : Palmetto Records

Plus que jamais, sur ce nouvel album, Fred Hersch déploie un jazz du care, comme si sa musique n’avait pas d’autre objet que de prendre soin de notre commune humanité, tant dans ses dimensions naturelles que spirituelles. De fait, ce disque est principalement issu de sa pratique intense de la méditation de pleine conscience : les huit premières plages, intitulées « Sati Suite », sont issues de ses plongées quotidiennes dans cette quête du vide qui vise le plein de bien-être. Son jeu paraît tellement sans effort, qu’il nous conduit dans les joies les plus simples, sans aucune peine apparente, avec une appropriation bien sentie de la main gauche aérienne d’un Bill Evans (« Rising, Falling », une composition qui évoque Satie pour le coup) et quelques monkismes bien sentis (« Mara » notamment).

Le pianiste réussit à rendre évident le mouvement sensoriel de sa pratique méditative grâce à son sens affûté de la mélodie, qu’il ne peut concevoir que démultipliée depuis qu’il a été exposé, dès son enfance, aux magies du quatuor à cordes - il explique dans les liner notes que composer un thème, pour lui, c’est embrasser quatre lignes musicales conjointement. Embrasser oui, tellement ce disque déborde d’affection non feinte. Avec un je-ne-sais-quoi d’humour pince-sans-rire, de plaisir enfantin d’offrir le meilleur de soi en sachant que jamais cela ne sera parfait.

Et ce en dépit de la présence d’un quatuor à cordes somptueux avec lequel les jazzmen prennent un malin plaisir à dialoguer (« Monkey Mind ») et d’une rythmique superlative (Drew Gress, à la contrebasse, est un as du contrepoint et du swing le plus angulaire) qui donne à ce disque les résonances d’un « third stream » (ce courant qui cherchait à allier musique classique et jazz) pour notre siècle bien mal barré. Même Schumann finit par swinguer en dernière plage. Des ondes de bien-être comme ça, on en redemande !

par Laurent Dussutour // Publié le 1er mai 2022
P.-S. :

Avec Crosby Street String Quartet : Joye Hammann, Laura Seaton (vl), Lois Martin (vla), Jody Redhedge Ferber (cello)