Frédéric Couderc
Sax Stories
Frédéric Couderc (sa), Patrick Cabon (p), Stéphane Coens (réal).
Label / Distribution : Gaya Music / Socadisc
Dire que Frédéric Couderc est un amoureux du saxophone relève de l’euphémisme. Il est plutôt un boulimique de l’instrument, un chercheur forcené de timbres et de sonorités, un collectionneur de raretés qui a poussé sa passion jusqu’à créer, avec le facteur d’instrument R.V. Martin, le Coudophone, un saxophone ténor en ut (C-Melody) droit. On a pu en particulier entendre cette singularité instrumentale sur Music From Early Times de Vincent Artaud. Et comme le faisait en son temps Roland Kirk, un de ses maîtres, il est tout à fait capable d’empoigner deux ou trois saxophones simultanément, comme si de rien n’était. Couderc a par ailleurs suivi un cursus classique au CNR de Bordeaux avant d’intégrer la classe jazz de François Jeanneau au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Il a déjà publié trois albums (dont Kirkophonie en 2007 et Coudophonie en 2011) et multiplie les collaborations dans le monde du jazz et de la variété.
Sax Stories porte bien son nom : ce DVD documentaire à vocation pédagogique, qui se décline sous forme de conférence à destination des scolaires (Les vacances de M. Sax), raconte l’histoire des saxophones avant tout, et non l’histoire du jazz, grâce auquel l’instrument sera passé sur le devant de la scène avant de connaître un rayonnement par-delà les styles musicaux. Accompagné au piano par Patrick Cabon, Frédéric Couderc explique et illustre son propos en jouant des compositions de tous styles (classique, jazz, funk), installé au beau milieu d’une forêt d’instruments qu’il utilise l’un après l’autre.
Le DVD compte sept chapitres pour un tour d’horizon aux accents méridionaux : d’abord les origines et la création du saxophone par le Belge Adolphe Sax (lui-même fils de facteur d’instruments), qui pose un bec de clarinette basse sur un ophicléide dont la sonorité n’était guère séduisante. Acte de naissance du premier modèle basse en ut, avant la mise au point du saxophone en si bémol, au son plus moelleux et qui présentait alors sa forme presque définitive. Le second chapitre consiste en une présentation des différents types d’instruments, dont bien sûr les plus usités à l’heure actuelle : soprano, alto, ténor, baryton, sans oublier, aux extrêmes, le sopranino et le saxophone basse (ou contrebasse).
Au chapitre « Un peu d’histoire », Couderc évoque les compositions de Berlioz (dont un « Sextuor pour instruments d’Adolphe Sax »), le travail de Marcel Muhl et du quatuor de la Garde Républicaine. Vient ensuite la rencontre avec le jazz, une musique qui mettait jusque-là en avant la trompette et la clarinette. Sont évoqués pour l’occasion Coleman Hawkins et Sidney Bechet, seuls saxophonistes estampillés jazz à être cités durant cet exposé, ce qu’on peut regretter ; une petite place faite à Charlie Parker ou John Coltrane, pour ne nommer qu’eux, n’aurait pas été illégitime : l’un comme l’autre ont fortement contribué à l’évolution radicale de sa pratique.
Musicien formé d’abord à l’école classique, Couderc ne manque pas d’adapter le répertoire des siècles passés et de proposer des comparaisons au chapitre « La musique classique » : saxophone mezzo soprano en fa et cor anglais dans une interprétation des Tableaux d’une exposition de Moussorgski ; soprano en do et hautbois (Concerto pour hautbois n°1 de Mozart) ; transcription d’une suite pour violoncelle de Bach au saxophone baryton… Dans la partie finale, appelée « Saxophones », le conférencier rend un hommage appuyé à Roland Kirk en jouant quelques-uns de ses thèmes, armé de… trois instruments : saxello, alto droit et ténor. Une performance aussi physique que musicale !
La conclusion permet de découvrir le Coudophone évoqué plus haut. Pédagogue gourmand, le saxophoniste conclut par l’interprétation d’« Après un rêve » de Gabriel Fauré, successivement joué au taragot puis aux saxophones soprano, soprano en do, alto droit, ténor en do et mezzo soprano.
Sax Stories est un hymne aux saxophones entonné avec gourmandise et faconde par un saxophoniste accompli. Et ce DVD vaut tout autant pour ce rappel historique, voire technique, que pour le passage en revue abondamment illustré d’un instrument dont les déclinaisons sont nombreuses. Qui parmi nous pourrait les citer sans risquer d’oublier un modèle ? On le conseillera volontiers au plus grand nombre, à commencer par les enfants, qui y trouveront peut-être matière à vocation !