Chronique

Gábor Gadó - Veronika Harcsa quintet

The Language Of Flowers

Veronika Harcsa (voc), Gábor Gadó (g), Laurent Blondiau (tp), János Ávéd (ts), Tamás Zétényi (cello).

Label / Distribution : BMC Records

Si l’importance du chanteur hongrois Gábor Winand dans le paysage du jazz européen ne s’est jamais démentie en dépit de son décès prématuré en 2021 à l’âge de 57 ans, c’est qu’il a construit une discographie hors du commun, notamment avec le guitariste Gábor Gadó. Entre 2002 et 2005, quatre disques auront réuni ces deux musiciens au style si personnel, avec en point d’orgue l’indépassable Opéra Budapest en 2005, en compagnie de musiciens français [1]. Vingt ans après, le style si personnel de Gadó s’est mâtiné de plus en plus de perspectives liées à la musique écrite occidentale, ce qui a notamment contribué à le rapprocher de Veronika Harcsa, jeune prodige déjà repérée à ses côtés. La jeune femme, quoique d’une tessiture différente, a un chant qui se rapproche de Winand : capacité à interroger le lyrique dans une grammaire jazz, en restant toujours proche d’une esthétique contemporaine. C’était le propos de Debussy Now ! avec Márton Fenyvesi. C’est celui de ce Language Of Flowers.

Le titre n’est pas anodin. C’est celui d’un morceau de Winand et Gadó sur Opéra Budapest. L’ensemble des morceaux est une relecture de titres des quatre albums en commun du chanteur et du guitariste. À commencer par le splendide « Haïku » et cet effluve de « Lonely Woman » qui monte au milieu d’une note tenue de János Ávéd au saxophone et Laurent Blondiau à la trompette. Avec une instrumentation différente, plus ramassée, Veronika Harcsa parvient à traduire la magie de ces morceaux. « If I Knew Where To Begin », tiré de l’album Agent Spirituel, joue sur la proximité du timbre de la chanteuse avec le son de la guitare. Aux côtés du violoncelliste Tamás Zétényi, Gadó construit un propos qui retrouve son ton crépusculaire et poétique.

Si Language Of Flowers est un disque hommage, il n’est pas que cela. Il souligne l’incroyable connexion de la chanteuse avec Gábor Gadó, mais aussi la part de plus en plus grande que prend la musique ancienne dans son expression jazz. On aura noté, ces dernières semaines, toujours chez BMC, la sortie d’un O Ignee Spiritus où avec l’orchestre Chemin Neuf [2] il revisite les chants Grégoriens et la musique d’Hildegard Von Bingen. « Milonga », tiré d’Opera Budapest, est un bel exemple de cette fusion rare d’esthétiques raffinées et intemporelles. Comme l’est Harcsa et comme l’était Winand : une splendeur.

par Franpi Barriaux // Publié le 19 janvier 2025
P.-S. :

[1Airelle Besson (tp), Matthieu Donarier (ts, bcl) et Sébastien Boisseau (b), NDLR.

[2En compagnie du violoncelliste Tamás Zétényi et de la chanteuse Judit Rajk, NDLR.