En parallèle de son trio La Main, Gilles Coronado travaille un répertoire en solo qui, partant d’un exercice sous contrainte minimale, devient un geste musical spontané et authentique. En utilisant l’appareil électronique servant à accorder sa guitare, il s’appuie sur douze notes fixes qui deviennent à la fois la base, le périmètre d’action et la ligne d’horizon de courtes pièces.
Sur ce principe qui évoque Le Fil de Camille, dont chaque titre était conçu à partir d’une même note entendue en fond sur la longueur du disque, ou E Total de Andy Emler composé à partir d’un mi, le guitariste varie, quant à lui, les plaisirs de ses fondamentales (mi, do, fa dièse, la bémol, etc.) et laisse ainsi libre cours à son imagination en partageant avec l’auditeur l’instantané d’un moment en train de se construire.
Selon les pistes, l’approche varie. Frontale, ou implicite, elle s’organise autour d’un agrégat, d’une micro-mélodie, d’une cellule rythmique qui sera aussitôt la condition d’une autre tonalité, cette fois : celle de l’humeur. Coronado, variant les atmosphères, explore alors des pistes qui s’ouvrent à lui sans chercher pour autant à se perdre.
Comme autant de haïkus sonores, il pose là, en effet, une succession de miniatures dont la brièveté fait la valeur, fulgurances parfaitement construites ou, au contraire, traits qui se répandent comme une traîne dans le ciel. Le jeu ne consiste pas à s’appuyer sur une technique pourtant indéniable mais bien à dessiner les contours d’une poésie concise articulée autour d’un acte solitaire.
Le ton très libre, valorisé par la clarté d’un propos pourtant parfois complexe, prouve, s’il en était besoin, que d’une condition première si ténue soit-elle peuvent naître des mondes. L’intelligence sensible du guitariste tient à sa capacité à les laisser advenir avec une grâce enlevée qui séduit l’oreille par son inventivité et son élégance.

