Scènes

Gourmet, impossible de faire la fine bouche

Après avoir conquis l’ouest de la France au cours des dernières années, le sextet finlandais passait enfin à Paris à la faveur d’une mini-tournée organisée en novembre 2019 par Charles Gil.


Gourmet - Alice Leclercq

Du 13 au 17 novembre, le groupe emblématique de la scène scandinave, mené par Mikko Innanen et Esa Onttonen, se produisait au Périscope à Lyon, aux Rendez-vous d’Ailleurs à Paris, au Shed à Reims et au festival Jazzdor à Strasbourg, dans la foulée d’un concert au Bimhuis à Amsterdam.

D’abord le cadre, le plus improbable qui soit. Un théâtre de poche coincé rue des Haies au fond du 20e arrondissement de Paris, une unique loupiote colorée qui tourne dans un coin façon boule à facettes, un chat blanc qui fait le beau entre les chaises.

Sur scène, les six Finlandais arborent costard et nœud pap’ : Mikko Innanen aux saxophones alto, sopranino et baryton, Esa Onttonnen à la guitare, Ilmari Pohjola au trombone, Veli Kujala à l’accordéon, Petri Keskitalo au tuba, Mika Kallio à la batterie.

La batterie est prêtée par Sylvain Darrifourcq, qui rentre tout juste d’une tournée dans les pays nordiques orchestrée par Charles Gil, le promoteur de la tournée de Gourmet.

Parmi le public, d’autres musiciens français, Laurent Derache et Anthony Caillet, sont venus découvrir ce soir la formation inventée il y a déjà vingt-deux ans par Mikko Innanen et Esa Onttonen.

Le concert en deux sets s’ouvre par trois titres du dernier album en date, intitulé En Garde, qu’introduit Esa : « What Can We Do When the Sky Falls Down », « Love Gone Wrong », « Voice of Velours ». Trois morceaux pour se chauffer et comprendre que l’on a devant nous un sextet de compét’, avec un véritable accordéon-héro dont la virtuosité est saisissante.

Dans ce lieu improbable, l’expérience de la soirée se fait de plus en plus décalée au fil des morceaux. Il s’agit intégralement de nouvelles compositions qui constituent le matériau d’un nouvel album en cours d’enregistrement.

Leur univers est un savant mélange de mini brass-band, de guitare blues et d’orchestre de bal : slow chamallow, valse déglinguée, milonga et tango, réminiscence de la cucaracha, et même flonflons délibérément pompiers.

Au milieu de tout ça, les salves jazz à l’accordéon et au sax sopranino rivalisent de virtuosité (« Flowers of the Summer »), et le tromboniste ajoute son inventivité percussive.

Bien que la jauge soit restreinte ce soir à Paris, Esa et Mikko font mouche avec leur humour décalé lorsqu’ils détaillent les titres foutraques de leur nouveau répertoire : « From Mekong to Mississippi », « It’s a Long Way to Pyongyang », ou encore la police secrète de Finlande, ou le rituel des bières dans un bateau à Helsinki.

Entre farce et drame, le répertoire du sextet est foncièrement attachant.

Durant leur concert qui entrera directement dans notre best-of 2019, on aura pensé à notre film culte, le road-trip hallucinant d’une vraie-fausse fanfare belge (Le Grand Tour, de Jérôme Le Maire, 2012).