Chronique

Guillaume Perret

A Certain Trip

Guillaume Perret (sax, effets), Yesai Karapetian (kb), Julien Herné (elb), Martin Wangermée (dms, perc).

Label / Distribution : French Paradox

Guillaume Perret collectionne les aventures, musicales bien sûr, sans pour autant s’égarer ni même s’embrouiller dans de vaines sinuosités. Une force le pousse vers l’avant, mais aussi vers le haut, dans un grand mouvement d’élévation que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier de psychédélique. Ainsi est née au fil des années une construction artistique, un peu altière parfois du fait d’une tendance à la démesure, qui peut s’apparenter à un bastion, à une forteresse dont on n’oserait pas s’approcher. C’est vrai que le saxophoniste paraît engagé dans un processus plutôt radical. On se souvient du quartet Electric Epic et de sa musique survoltée. Puis est venu le temps d’une autre quête, presque mystique et en solo cette fois, avec l’album Free en 2016, l’occasion pour lui de recourir encore plus à de nombreux effets sonores et à la démultiplication de son instrument. Plus récemment, ce fut la bande-son du film 16 levers de soleil, qui retrace l’odyssée du spationaute Thomas Pesquet. Ce travail stratosphérique l’a vu s’associer à Yesai Karapetian aux claviers, Julien Herné à la basse et Martin Wangermée à la batterie. C’est cette même formation qu’on retrouve à la manœuvre sur A Certain Trip, disque publié sur le label parisien French Paradox.

On l’aura compris, le voyage est, une fois de plus, au cœur de la musique de Guillaume Perret. C’est d’autant plus vrai que le mot (en anglais, trip signifie voyage) est inscrit en toutes lettres dans le titre de ce nouveau disque qui prétend scanner les émotions de l’âme humaine et ouvrir en grand la porte des rêves. Objectif atteint, il faut bien l’admettre, car si l’effet de surprise joue peut-être moins qu’auparavant, il y a bien une signature Guillaume Perret, avec cette manière de dessiner de grands paysages un peu sauvages ou de projeter les sons dans l’espace, quelque part entre songe et réalité. Cet onirisme puissant, qui s’apparente à une science-fiction musicale, est parfaitement servi par un groupe compact, les partenaires du leader contribuant pleinement à l’élaboration de formes sophistiquées aux confins du jazz, du funk et de l’électro.

Il y a bien longtemps maintenant, les informaticiens inventèrent le langage Python qui devait être capable de s’adapter à des contextes de programmation multiples. Du haut de son expérience, Guillaume Perret n’est pas si éloigné d’une telle démarche, qui peut aujourd’hui le conduire à interroger les grands espaces (intérieurs et extérieurs) avec un réel sens de la scansion et une mise en scène haletante de la tension avant, peut-être, de revenir demain à une expression plus classiquement jazz et pourquoi pas acoustique. L’histoire continue…